Est ce que les saintes Écritures sont vraiment authentiques et divines ? Nous l’affirmons.
Sur cette question fondamentale, Turretin cible les athées et les catholiques : contre les premiers, il défend l’inspiration, contre les seconds il précise sur quel témoignage au juste nous affirmons l’autorité des Écritures.
La première question semble peu nécessaire parmi les chrétiens qui devraient tous considérer comme une vérité inchangeable le fait que les Écritures sont inspirées de Dieu, une fondation primaire de la foi. Et pourtant parmi les chrétiens de notre époque, il y a beaucoup trop d’athées et de libertins qui essaient par tous les moyens d’affaiblir cette vérité. Ainsi donc il est de la plus grande importance pour notre salut que notre foi soit fortifiée une bonne fois pour toutes contre les complots diaboliques des ces personnes impies.
François Turretin, ITE, 2.2.2
Je précise que ce livre a été écrit en 1696, mais comme vous le voyez, l’athéisme français commençait à poindre. Cette question est plus longue que la moyenne et se compose en fait de plusieurs sous-parties :
- Les marques de l’autorité des Écritures : sections 7 à13
- Défense de l’authenticité du témoignage des apôtres : sections 14 à 17
- Digression sur l’authenticité de Moïse : sections 18 à 20
- La conversion du monde et le type de certitude que l’on peut avoir dans les Écritures : sections 21 et 22
- Objections : sections 23 à 27
I. Les marques de l’autorité des Écritures (§§ 7-13)
Les marques externes de l’autorité des Écritures sont:
- L’origine très ancienne de celles-ci ; comme le dit Tertullien, «ce qui est le plus ancien est le plus vrai» ;
- La préservation extraordinaire de celles-ci ;
- La sincérité des auteurs, qui admettent sans fard l’inaptitude des principales figures humaines de la Bible, montrant l’authenticité du récit ;
- Le nombre, la constance et la condition des martyrs qui sont morts à cause de leur foi en leur authenticité et autorité ;
- Le nombre de peuples et de cultures qui ont reçu les Écritures comme parole de Dieu.
Les marques internes de l’autorité et de l’authenticité des Écritures sont :
- La « merveilleuse sublimité » des mystères qui y sont enseignés ;
- Le style magnifique et simple qui sied à un livre inspiré ;
- L’accord et harmonie entre toutes les parties de la Bible ;
- L’orientation de ce livre vers la gloire de Dieu et le salut des hommes ;
- L’effet que produisent les Écritures en nous, alors qu’elles « percent l’âme en elle-même, génèrent la foi et la piété dans l’esprit de ses auditeurs, aussi bien qu’une fermeté invicible chez ses professants, et triomphent toujours victorieusement sur le royaume de Satan et la fausse religion. Ces critères ne se trouvant en aucun livre humain (qui affiche toujours une faiblesse toute humaine) prouvent que les Écritures sont vraiment divines. » (2.2.9)
Objections à ce sujet
§10 : Tous les versets de la Bible n’ont pas également cette qualité. La Bible n’est donc pas inspirée en tout verset.
Réponse : Elles ne font que varier en degré, comme deux étoiles peuvent varier en magnitude. Ces qualités s’appliquent à l’Écriture toute entière.
§12 : Les Turcs (les musulmans) disent la même chose du Coran, et les juifs de la Kabbale.
Réponse : Ils ont tort, et nous avons raison (Turretin donne quelques arguments exégétiques).
§13 : Toutes ces marques sont discutables d’un point de vue scientifiques.
Réponse : Même si nous n’avions aucun argument scientifique et naturel — ce qui n’est pas le cas —, nous aurions tout de même raison de croire le témoignage divin, à cause de la qualité même de celui-ci.
II. Les apôtres et prophètes ne se sont pas trompés (§§ 14-17)
Le témoignage des apôtres concernant la résurrection de Christ est-il trompeur ? Nous le nions contre les athées :
D’une, ils n’ont été trompés :
- Ni par d’autres :
- Ils ne peuvent pas avoir été trompés par Dieu, qui ne trompe personne ;
- Ni par les anges, qui ne trompent pas non plus ;
- Ni par les démons, car la résurrection du Christ détruit leur pouvoir ;
- Ni par eux-mêmes :
- Ils ont vu eux-mêmes cette résurrection, et ne la tiennent pas du témoignage d’un autre ;
- Ils n’ont pas vu Christ à la volée : ils ont passé du temps avec le Ressuscité, pouvant aisément constater que leur vision n’était pas trompeuse, mais réelle ;
- Il ne s’agit pas d’une chose obscure et compliquée : ils ont vu Christ mort et vraiment mort, puis ils l’ont vu vivant et vraiment vivant ;
- Enfin leur jugement n’était pas altéré.
Nous en sommes sûrs parce que :
- Ils ont affirmé l’avoir vu de leurs yeux, et non pas l’avoir entendu de quelqu’un d’autre.
- Ils ont affirmé cette résurrection non pas depuis l’Espagne ou un quelconque lieu éloigné, mais sur les lieux même de l’événement, où l’on pouvait vérifier facilement la vérité de cette affirmation.
- Ils n’annoncaient pas une chose obscure et subtile, dans laquelle il est facile de se tromper, mais quelque chose de sensible et vérifiable facilement : Jésus était vraiment mort, puis il était vraiment vivant.
- Ils n’ont aucune trace d’altération du jugement, et sont plusieurs à avoir les mêmes souvenirs et témoignages, ce qui ne pourrait pas être le cas s’ils avaient halluciné.
- Ils n’ont pas cherché à tirer du gain de leur enseignement, mais au contraire ont tout perdu à cause de l’Évangile, jusqu’à leur vie même.
III. De l’authenticité des livres de Moïse (§§ 18-20)
La théorie documentaire n’existait pas encore, mais déjà on tentait de renverser l’authenticité des livres de Moïse. Contre cela, Turretin fait remarquer que Moïse est mentionné comme personnage historique par un nombre impressionnant de sources anciennes, juives comme païennes. Si on peut douter de l’existence historique de Moïse, alors autant jeter par la fenêtre l’historicité de Platon, de Cicéron et d’Aristote.
D’autres admettaient que c’était un peu fort, mais qu’on pouvait au moins dire que Moïse était un affabulateur. Sauf que:
- Même les plus féroces adversaires anciens du christianisme comme Porphyre admettait que Moïse était sincère ;
- Il aurait été facile de falsifier du temps même de Moïse son histoire ;
- Comment aurait-il pu convaincre les israélites de son époque qu’en fait ils avaient vécu pleins de choses extraordinaires si ce n’était pas le cas ? Les livres de Moïse ne contiennent pas que d’anciens récits immémoriaux : ils contiennent aussi des événements contemporains et mémorables.
Certes, mais si les israélites avaient conservés ce pieux mensonge pour glorifier leur propre nation ? Peu probable car :
- Ils ne se seraient pas inventés une loi aussi stricte et impossible à tenir.
- Ils n’auraient pas laissé dans ces livres des traces de leurs échecs primitifs, ou des critiques comme « peuple à la nuque raide » à disposition de toutes les autres nations.
IV. Dernières considérations (§§ 21-22)
La victoire de l’Évangile sur l’empire romain et sa dissémination dans toute la terre est aussi une preuve que la Bible est bien plus qu’un livre humain.
Nous pouvons donc être certains que la Bible est authentique, qu’elle est vraiment la parole de Dieu. Mais encore faut-il comprendre correctement en quel sens elle est certaine. Nous distinguons trois sortes de certitude quand une chose n’est pas naturellement démontrée :
- La certitude métaphysique (ou mathématique) : celle des premiers principes qui sont inscrits en nous et dont il nous est impossible de douter, comme par exemple le principe de non-contradiction ou bien l’idée que le tout est plus grand que les parties.
- La certitude morale : quand une chose n’est pas absolument démontrée, mais que c’est du bon sens de faire confiance au témoignage des autres. Par exemple, dire que l’Énéide est écrite par Virgile.
- La certitude théologique : quand une chose n’est pas démontrée naturellement, mais par un témoignage surnaturel.
L’autorité de l’Écriture n’est pas une certitude métaphysique, sinon elle ne serait l’objet de notre foi, mais de notre connaissance. Ce n’est pas non plus une simple certitude morale, renversable par quelques arguments historiques. C’est une certitude théologique, basée sur le témoignage de l’Esprit saint.
V. Dernières objections (§§ 23-27)
§25 : Paul lui-même dit: «ce n’est pas le Seigneur, c’est moi qui dis»(1 Corinthiens 7,12): c’est un aveu que ses paroles ne sont pas inspirées.
Réponse : D’une il revendique cette inspiration juste après, en 1 Corinthiens 7,40. Il ne s’agit que de dire que cette question particulière à laquelle il répond en 1 Corinthiens 7,12 n’a pas été abordée du temps de Christ mais que lui, apôtre, la tranche ainsi.
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