Dieu, le débat essentiel — résumé (1/10) : La religion n’est-elle pas en train de disparaître ?
23 mars 2023

Cette série d’articles propose un résumé des arguments donnés par Timothy Keller en faveur du christianisme et contre les objections courantes contre la foi chrétienne dans son livre Dieu, le débat essentiel : une invitation pour les sceptiques (ma recension). C’est un très bon livre, assez généraliste dans ses réponses, dans le sens où il n’entre pas dans les détails philosophiquement et ne se base pas sur une tradition philosophique particulière (thomiste par exemple).

Mais il reste très bon comme première lecture d’apologétique et ouvrage de référence accessible à tous (croyants et non-croyants). Keller sait attirer l’attention du lecteur, présenter des arguments, tout en restant toujours humble et sympathique. Il est agréable à lire et très bien traduit.

Le but de cet article est de résumer et regrouper les arguments de Keller, mais aussi de les rendre plus compréhensibles. C’est pour ça que je les complèterai ou les expliquerai parfois un peu plus en détails. De plus, il est question de rendre accessible gratuitement ce que présente Keller, mais aussi de vous donner envie de le lire quand vous en aurez les moyens.

Timothy Keller, Dieu, le débat essentiel. Une invitation pour les sceptiques, Lyon : éd. Clé, 2019, 468 pp.

Introduction

A. La problématique : pourquoi s’intéresser à la religion, quelque chose en train de disparaître ?

Si vous êtes sceptiques en ce qui concerne les religions, si vous les trouvez complètement irrationnelles, vous vous demandez peut-être à quoi peut servir une série d’articles sur un sujet aussi ridicule. Pourquoi écrire sur la religion alors que tout le monde sait qu’il y a de moins de moins de gens qui y croient ?

Pour expliquer au XXe siècle pourquoi la religion allait mourir, les gens ont prédit que deux facteurs allaient éliminer la religion : l’éducation et la science. Si les gens étaient plus éduqués ou éduqués tout court, ils se rendraient bien compte que les religions sont irrationnelles. Logiquement, ils arrêteraient de croire en quelque chose d’absurde.

Ensuite, ces penseurs ont misé sur la science parce qu’une fois qu’elle nous aurait donné des explications rationnelles de la réalité, on n’aurait plus besoin de Dieu. Les croyants n’auraient donc plus d’excuse pour croire en Dieu, du type : « Dieu est la seule explication possible à telle et telle chose ».

B. La religion n’est pas en train de disparaître

1. De nombreux intellectuels chrétiens

Finalement, alors que nous sommes maintenant au XXIe siècle, ces deux prédictions se sont avérées être fausses. Le nombre de croyants n’arrête pas d’augmenter et le nombre d’activistes athées aussi face à cette menace.

Contrairement à ce que vous pourriez penser, il existe bien des intellectuels et des personnes tout à fait raisonnables qui sont chrétiens. Si vous entrez dans une Église évangélique (y compris dans la mienne), vous trouverez des gens venant un peu de partout. Vous y trouverez bien des cadres, des gens en classes préparatoires, des doctorants, des chercheurs, des ingénieurs, des médecins, des juristes etc. Un tas de gens qu’on ne pourrait pas qualifier d’incompétents.

a. Des philosophes compétents chrétiens

Du côté des philosophes, on observe aussi de plus en plus de philosophes chrétiens comme Alasdair MacIntyre, Charles Taylor et Alvin Plantinga qui ont critiqué rigoureusement le matérialisme. On a aussi par exemple C. S. Lewis, Elizabeth Anscombe, Edward Feser, Robert Koons, David Oderberg, Mortimer Adler, Norman Geisler, William Lane Craig, Nicholas Wolterstorff, J. P. Moreland, Alexander Pruss, Richard Swinburne, Peter van Inwagen, Paul Helm, James N. Anderson, Greg Welty, Vern Poythress etc. En francophonie : Guillaume Bignon, Alexis Masson. Tous des gens éduqués, et sûrement plus que vous et moi.

b. Des scientifiques compétents chrétiens

On trouve aussi de nombreux scientifiques quand même croyants : Francis Collins, Raymond Vahan Damadian, Kurt Gödel, David Hilbert, Alonzo Church, Werner Heisenberg, John Polkinghorne, John Lennox, Alister McGrath, William Dembski, Michael Behe, Stephen Meyer, Werner Gitt, Robin Collins, Francis Collins, Jay Wesley Richards, Robert Jastrow, Philip Sampson, Thomas Dubay, John Leslie, William Lane Craig, etc. Cela réfute la croyance du XXe siècle selon laquelle la science allait tuer la religion.

Je pourrais aussi vous citer de nombreux écrivains (comme Tolkien, C. S. Lewis, Dostoïevski), sociologues, mais je m’arrêterai là.

2. La « mort du christianisme » démentie par les statistiques

Prenons maintenant une étude intéressante. Celle qui a été menée par le Pew Research Center et publiée dans le Washington Post a pour titre « Le monde devrait devenir plus (et non moins) religieux ». Les chercheurs ont conclu que bien que le nombre de personnes sans appartenance religieuse allait bien augmenter en Occident ainsi que le nombre de chrétiens et de musulmans, tandis que le nombre d’athées allait diminuer. Ce que confirme Jack Goldstone, un professeur en sciences politiques :

Les sociologues ont brûlé les étapes quand ils ont dit que l’essor de la modernisation allait contribuer à l’essor du sécularisme et de l’athéisme. Les gens […] ont besoin de religion.

BAILEY, Sarah Pulliam, « The World Is Expected to Become More Religious – Not Less », Washington Post, 21 avril 2015 (Cité par KELLER, p. 18.=.

D’un autre côté, on observe que le nombre de croyants augmente partout dans le monde d’après les études démographiques :

Il y a eu d’énormes changements religieux en Afrique subsaharienne et en Chine, où les gens se sont tournés en masse vers le christianisme, tandis que les Églises évangéliques et pentecôtistes ont crû de manière exponentielle en Amérique latine. Même aux États-Unis, la croissance des nones (sans appartenance religieuse) a principalement été observée parmi les chrétiens dont la foi n’était qu’une étiquette, tandis que les croyants les plus fervents sont en augmentation aux États-Unis et en Europe.

KELLER, op. cit., p. 19.

C. Comment expliquer ce renouveau de la religion ?

Certains disent que c’est parce que la plupart des gens sont sous-éduqués, des « idiots » qui croient à quelque chose d’aussi naïf et absurde que le christianisme. Mais c’est faux. Il y a deux raisons qui expliquent vraiment cette tendance : 1) « Beaucoup de gens estiment qu’il y a des ‘trous’ dans le raisonnement matérialiste, qu’il manque des éléments nécessaires pour bien vivre. 2) Un grand nombre de personnes sentent intuitivement qu’un domaine transcendant existe au-delà de ce monde naturel. » (p. 20)

Nous verrons d’abord quels sont ces trous du matérialisme : l’égalité, un moyen de faire face à la mort, de trouver le pardon. Puis nous verrons que le matérialisme ne colle pas avec les expériences surnaturelles qu’ont beaucoup de personnes. Enfin, nous montrerons que la foi fait bel et bien un grand retour même dans nos sociétés séculières en Occident.

I. Les trous du matérialisme

A. L’égalité des hommes

Une première chose que le matérialisme ne peut pas justifier, c’est l’égalité des hommes. Le matérialisme prétend que tout peut être expliqué par la science et ramené à un phénomène matériel. Si on se place de ce point de vue, on demande en quelque sorte à la science d’expliquer toute chose, y compris des vérités morales comme l’égalité des hommes.

1. La science est descriptive mais pas normative

Mais le problème, c’est que les sciences sociales sont descriptives mais pas normatives. C’est-à-dire qu’elles ne font que décrire des faits, des événements, des phénomènes. Mais qu’elles ne peuvent pas nous dire ce que nous devons faire et ce que nous ne devons pas faire. Ce qui est bon ni ce qui est mauvais. Du coup, elles ne peuvent pas fonder l’éthique. En résumé :

Les sciences sociales sont peut-être capables de nous dire ce qu’est la vie humaine, mais pas ce qu’elle devrait être.

p. 21.

Le matérialiste pourrait répondre que si, les sciences sociales peuvent nous expliquer d’où vient notre manque de bonheur et comment on peut éviter ces obstacles. Mais on en revient à la question : « pourquoi devrait-on chercher à être heureux ? ». Une question à laquelle elles ne peuvent clairement pas répondre.

2. La science : incapable de condamner l’eugénisme

Par exemple, elles sont incapables de condamner l’eugénisme, c’est-à-dire le fait de se débarrasser des individus jugés plus « faibles » (comme les handicapés, les handicapés mentaux). Pour que plus tard, l’humanité soit constituée d’un maximum d’hommes « parfaits » physiquement.

Il faut savoir qu’auparavant, l’eugénisme était considéré comme une science, une simple application concrète de la sélection naturelle découverte par Darwin. La sélection naturelle affirme de manière très simpliste que les individus les mieux adaptés (possédant des allèles favorables) face à certaines conditions de vie survivent le plus souvent et ont plus de descendants que les moins adaptés (possédant des allèles défavorables). L’eugénisme dans ce sens-là, est très rentable, mais chacun de nous sait intuitivement qu’il est mal.

3. L’héritage judéo-chrétien à la rescousse

Ce qui a permis de le condamner, c’est l’héritage juif et chrétien des Occidentaux. D’après Habermas :

Les idéaux de liberté […] de conscience, de droits de l’homme et de démocratie [sont] l’héritage direct de l’éthique juive de la justice, et de l’éthique chrétienne de l’amour […]. Il n’y a jusqu’ici aucune alternative.

p. 23.

En résumé :

Rien de tout cela n’interdit que la science et la raison soient à l’origine d’un bien considérable et irremplaçable pour la société humaine. Je veux plutôt dire que la science seule ne peut servir à la société humaine.

p. 23.

B. Affronter la mort et trouver le pardon

Keller partage ensuite le témoignage de Paul Kalanithi, un neurochirurgien et ancien athée convaincu. Il a fini par abandonner le matérialisme et par retourner au christianisme qu’il avait renié. Au départ, il affirmait que le matérialisme avait un pouvoir explicatif beaucoup plus grand que le christianisme qui lui a « un fondement empirique défaillant » (p. 21). Tout pouvait donc se réduire à des phénomènes purement naturels et être expliqué par la science.

Mais au bout d’un moment, il s’est rendu compte des limites de la science. La science ne peut pas expliquer les vertus (la vérité, l’amour, l’espérance, l’honneur, etc.) de manière satisfaisante ni leur donner un sens. « La science peut expliquer que l’amour et la notion de sens sont des réactions chimiques du cerveau qui ont aidé nos ancêtres à survivre. » (p. 24) Cependant, si on accepte cette position, les vertus ne deviennent que des illusions dans nos têtes qui « semblent juste être vraies » mais qui sont fausses. Or nous constatons (quasiment tout le monde) que ces vertus existent vraiment. Le matérialisme conduit donc à des conclusions qui sont absurdes et ne peut donc pas être vrai.

Paul Kalanithi trouvait aussi qu’il « manquait » (pour reprendre l’idée de Habermas) beaucoup trop de choses dans une vision du monde entièrement matérialiste, des choses qu’il savait qui étaient à la fois nécessaires et vraies.

pp. 24-25.

Par ailleurs, le matérialisme est aussi incapable de nous apprendre à pardonner. Les sciences sociales comme la psychologie ne nous apprennent pas cela. Elles nous aident à mieux comprendre nos vies mais elles ne peuvent pas changer les cœurs. Je pense que chacun de nous peut trouver les conclusions de la psychologie intéressantes. Mais au plus profond de nous, nous désirons plus qu’une simple description des faits, nous désirons que nos cœurs soient changés. Souvent même, les psychologues ne nous encouragent pas à pardonner, ce qui peut nous remplir d’amertume, de haine et finir par nous détruire. Conclusion :

Livrée à elle-même, la raison autonome n’est pas en mesure de nous donner une base pour « le sacrifice, la rédemption et le pardon », ainsi que l’a conclu Kalanithi lors de ses derniers mois.

p. 25.

II. L’intuition du transcendant

Nous verrons dans cette deuxième partie que les gens ont maintenant tendance à rejeter le matérialisme parce qu’il n’explique pas leur connaissance intuitive d’une transcendance et leur soif de quelque chose de plus profond que la matière. La transcendance, c’est quelque chose au-dessus des réalités matérielles que l’on perçoit et connaît grâce à nos sens. Cela peut être une force spirituelle universelle ou Dieu (le Dieu unique du théisme ou du déisme). Cette deuxième raison au retour de la religion est « plus existentielle qu’intellectuelle » (p. 26).

Tout d’abord, beaucoup de gens ont l’intuition naturelle qu’il existe une vie après la mort et qu’il y a vraiment quelque chose de beau derrière les œuvres d’art. Ensuite, de nombreuses personnes, mêmes des athées convaincus ont des expériences surnaturelles avec le transcendant. En fait, nous verrons que c’est ce que tout le monde vit d’une certaine manière.

A. Deux exemples d’intuitions du transcendant

1. L’intuition d’une vie après la mort

James Wood, un professeur de littérature à Harvard, lui-même matérialiste reconnaît que plus on vieillit, plus on a peur de la mort. Quand on est jeune, on a l’impression que la mort est une réalité lointaine. Mais, les personnes âgées se rendent vite compte que la mort devient proche d’elles comme « une lettre du coin ». Quelque chose qui peut leur arriver à tout moment. C’est une source d’angoisse qui grandit de plus en plus et qui confronte au sens de la vie. C’est ce qui hante parfois une de ses amies qui est une athée convaincue :

Comment est-il possible que ce monde soit le produit d’un Big Bang accidentel ? Comment ne peut-il y avoir aucun dessein, aucun but métaphysique ? Se peut-il que chaque vie, en commençant par la mienne, celle de mon mari, de mes enfants et celles qui se répandent dans le monde, soient sans pertinence cosmique ?

WOOD, James Wood, « Is That All There Is ? Secularism and Its Discontents », New Yorker, 14 août 2011.

C’est aussi ce qu’a ressenti Steve Jobs, l’inventeur de l’iPhone :

Il est étrange d’accumuler toute cette expérience […] pour que tout s’évanouisse brutalement. Je veux vraiment croire que quelque chose survit, que, peut-être, notre conscience perdure. ».

ISAACSON, Walter, Steve Jobs, éd. Jean-Claude Lattès, 2011, p. 571 dans l’édition anglaise de Simon & Shuster (cité par KELLER, pp. 26-27).

Selon lui, il n’est pas du tout naturel de penser que la mort soit comparable à appuyer sur un interrupteur pour éteindre une lampe.

Enfin, Lisa Chase, la femme du journaliste connu Peter Kaplan aujourd’hui décédé affirme en parlant d’elle et de son fils :

J’aimerais que nous vivions dans un monde magique où la science n’est pas la réponse à tout.

CHASE, Lisa, « Losing my Husband – And Finding Him Again Through a Medium », Elle, 5 octobre 2014 (cité par KELLER, p. 27).

2. L’expérience ordinaire du transcendant dans les arts

a. Des exemples d’œuvres d’art

Dans notre vie, il nous arrive souvent de beaucoup apprécier et de s’émerveiller devant des œuvres arts. Ce peut être des choses « anciennes » comme des peintures, des sculptures. Ou des choses naturelles comme des paysages comme les étoiles dans le ciel pendant la nuit, les montagnes des Alpes ou des Vosges, les falaises d’Étretat, les chutes du Niagara. Ou des médias comme un bon film, une bonne série, un bon anime avec des animations incroyables (Wolf’s Rain, Violet Evergarden, les films du studio Ghibli). Ou des livres : un bon roman, un bon philosophe, un beau poème, un bon manga… Ou même des jeux avec d’excellents graphismes comme Minecraft, Ori, Zelda : Breath of the Wild.

Même un athée matérialiste, Julian Barnes donne l’exemple d’une œuvre d’art qu’il admire profondément (non seulement la mélodie mais aussi les paroles) : le Requiem de Mozart. Une œuvre d’art qui repose sur la manière des chrétiens de comprendre la mort, la vie après la mort et le Jugement dernier. En théorie, sa position philosophique (le matérialisme) lui interdit d’accepter de tels principes. Il finit donc par tenir une position incohérente. Nous allons voir plus en détails pourquoi c’est incohérent juste en-dessous.

b. Les difficultés du matérialisme pour expliquer la beauté

Les penseurs matérialistes tels que Steven Pinker, scientifique à Harvard, enseignent systématiquement que l’origine de notre sens de l’esthétique doit se trouver, comme toutes les autres choses qui nous caractérisent, dans quelque chose qui a aidé nos ancêtres à rester en vie, et qui nous a ensuite été transmis génétiquement.

KELLER, op. cit., p. 28.

D’après le philosophe Charles Taylor, le matérialisme ne peut pas expliquer pourquoi nous sommes émerveillés et émus devant des œuvres d’art. Si le matérialisme est vrai, la véritable beauté n’existe pas mais n’est en réalité qu’une illusion qui se présente à travers nos sens qui nous a aidés à survivre jusqu’à maintenant. Mais aucune chose n’a vraiment de beauté (la beauté qui est un principe immatérielle) en elle, il y a juste des chiffres et des phénomènes naturels derrière. Savoir que ce qui nous semble beau n’est qu’une illusion nous empêche de l’admirer et d’en profiter.

Si une œuvre d’art nous transporte, de joie et d’émerveillement, nous serons appauvris en nous rappelant que ce sentiment est une simple réaction chimique qui n’a rien fait de plus qu’aider nos ancêtres à se nourrir et à échapper aux prédateurs. […] Il est difficile de prendre « sincèrement plaisir à écouter de la musique si nous savons et si nous nous souvenons que cet air d’une certaine importance est une pure illusion1».

p. 28.

Taylor conclut donc ainsi : 

C’est l’incroyant qui est ici mis au défi de trouver un registre non théiste à l’intérieur duquel il puisse rendre compte de ces œuvres sans les appauvrir.

TAYLOR, Charles, L’âge séculier, SAVIDAN, Patrick (trad.), Paris : Seuil, 2011, p. 1030 (cité par KELLER., p. 28)..

En gros, comme la position du matérialiste est contre-intuitive, c’est à elle de donner une explication plausible.

B. Les expériences extraordinaires de la « plénitude »

1. La « plénitude »

Une deuxième manière d’être convaincus par l’existence d’une transcendance, c’est de passer par une expérience mystique. En fait c’est plutôt une intuition, une prise de conscience qu’un événement surnaturel.

Keller explique cette expérience en reprenant Taylor2 :

Nous vivons parfois des moments de plénitude pendant lesquels le monde semble soudain chargé d’un sens, d’une cohérence et d’une beauté qui s’immiscent dans le sentiment ordinaire d’être dans le monde. Ceux qui l’ont déjà vécu savent pertinemment que la vie ne se limite pas à la santé physique, à la richesse et à la liberté. Il y a une profondeur et une splendeur infinies, ainsi qu’une sorte de présence supérieure au-delà de cette vie matérielle. Ces expériences peuvent nous donner le sentiment d’être tout petits, voire insignifiants, mais elles peuvent aussi nous remplir d’espoir et de sérénité face à ce qui nous angoisse au quotidien.

KELLER, op. cit., p. 29.

2. Quelques personnes qui ont vécues cette « plénitude »

Beaucoup de gens ont cette expérience mais peu osent en parler car ils ont peur d’avoir la honte. Keller donne beaucoup d’exemples : Frank Bruni (un journaliste du New York Times)3, Hubert Dreyfus, Sean Dorrance Kelly4 (des philosophes), Roger Scruton5 (un philosophe), Lord Kenneth Clark6 (producteur de la série Civilization de la BBC), Václav Havel7 (auteur et révolutionnaire tchèque devenu homme d’État). Je ne vais pas décrire ce que chacun d’entre eux a vécu.

Par exemple, en parlant de Havel, Keller écrit :

Alors qu’il était en prison, il observa un jour le sommet d’un grand arbre et fût soudain, « envahi [par le sentiment » d’être « sorti du temps et d’être dans un lieu où toutes les choses magnifiques [qu’il] avaient vues et vécues existaient dans un « coprésent » total » (phénomène traditionnellement plus connu sous le nom d’éternité). Il était « inondé d’un sentiment de bonheur et d’harmonie suprêmes » et sentait qu’il était « aux portes de l’infini ».

p. 31.

C. L’athéisme avec un Dieu sauvage

1. L’expérience de Barbara Ehrenreich

On pourrait dire que ce genre d’expériences ne sont que des hallucinations qui n’arrivent qu’à des croyants déjà bizarres. Mais ce qui est intéressant, c’est que même certains athées vivent de telles expériences qu’ils n’arrivent pas à expliquer rationnellement. C’est par exemple le cas de Kristin Dombek, une ancienne croyante devenue athée :

Je n’ai jamais pu expliquer ces expériences de Dieu, si réelles qu’il entrait dans les chambres de son propre chef, les illuminait de joie, et rendait les gens généreux […] C’était comme si vous aviez entrevu le meilleur secret du monde : que l’amour ne doit pas être nécessairement rare.

DOMBEK, Kristin, « Letter from Williamsburg », Paris Review 205, été 2013 (Cité par KELLER, p. 31.).

Il y a aussi l’histoire de Barbara Ehrenreich, une écrivaine athée connue pour son livre Nickel and Dimed. Elle a vécu une expérience mystique lors de son adolescence qu’elle raconte de cette manière :

Il n’y a pas eu de visions, de voix prophétiques ou de visites d’animaux totémiques, juste cette omniprésence embrasée. Quelque chose qui avait été déversé en moi, et dans lequel je m’épanchais. Ce n’était pas la fusion béate et passive avec « le Tout », comme le promettaient les mystiques orientaux. C’était une furieuse rencontre avec une matière vivante […] « Extase » serait peut-être le mot, mais seulement si l’on reconnaît [que cela] ne couvre pas le même spectre que le bonheur ou l’euphorie, et que cela […] peut ressembler à une explosion de violence.

EHRENREICH, Barbara, Living with a Wild God : A Nonbeliever’s Search for the Truth About Everything, New York : Twelve Books, 2014, p.116 (cité par KELLER, p. 32).

2. Sa réaction à cette expérience

Malgré tout, elle a choisi de rester athée car ce qu’elle a ressenti ne correspond pas à ce qu’on a l’habitude d’appeler Dieu (un être personnel transcendant). Mais d’un autre côté, cette expérience l’a conduit à ne plus trop s’intéresser aux problèmes philosophiques abstraits mais plutôt à s’impliquer dans la justice sociale. C’est-à-dire défendre les opprimés contre leurs oppresseurs. Son expérience a aussi transformé sa manière de voir la religion. Elle n’est plus l’athée moqueuse et fermée aux croyances. Il lui arrive même parfois d’avoir des doutes.

3. Le lien entre son expérience et le Dieu de la Bible

Pourtant, contrairement à ce qu’elle pense, il y a bien des points communs entre ce qu’elle a vécu et le Dieu de la Bible. Les personnages de la Bible comme les prophètes Moïse, Ésaïe, Ezéchiel et l’apôtre Jean ont aussi été complètement bouleversés quand ils ont rencontré Dieu, l’Éternel (respectivement en Exode 3, Ésaïe 6, Ézéchiel 1, Apocalypse 1). Moïse se cacha le visage, car il avait peur de regarder Dieu. (Exode 3,6) À cette vue, je suis tombé le visage contre terre. (Ézéchiel 1,28) Quand je le vis, je tombai à ses pieds comme mort. (Apocalypse 1,17) Quand on rencontre Dieu face à face, on ne peut pas rester indifférent. Sa présence écrasante nous humilie et nous nous sentons tout petits devant lui.

4. Retour à la « plénitude »

Charles Taylor définit la plénitude comme « la perception que la vie est quelque chose de plus grand que les explications naturalistes » et non pas comme une croyance ou une simple expérience. De plus, « c’est en général ce que vivent réellement la plupart des êtres humains, quelles que soient leurs visions du monde » (p. 35).

On se retrouve donc avec un phénomène (« la plénitude ») à expliquer, les croyants et les non-croyants doivent proposer une explication et répondre à toutes ces questions d’après. Si tout se limite aux choses matérielles, comment expliquer qu’on aspire à quelque chose de plus profond que ça qui n’existe pas ? Comment expliquer ces expériences mystiques que font même certains matérialistes ? Comment traiter nos désirs qui ne peuvent pas s’accomplir dans cette vie ?

D. Pourquoi l’émerveillement est si naturel

C’est justement parce que le matérialisme est incapable d’expliquer toutes ces choses que la foi reprend une importance en Occident. Il n’est pas du tout naturel mais contre-intuitif. Il s’oppose à l’intuition que chaque personne a. Nous savons naturellement que notre amour et notre admiration de la beauté ne sont pas juste « des événements neurologiques et chimiques » et « que le bien et le mal n’existent pas en dehors de ce que nous déterminons et choisissons dans nos têtes » (p. 36). Il est contradictoire de croire à ce que nous enseigne le matérialisme tout en ayant de l’amour pour les autres et de l’admiration envers une œuvre d’art.

Comme le dit Mark Lilla :

Pour la plupart des êtres humains, l’intérêt pour les réalités supérieures est naturel. C’est l’indifférence à ces mêmes choses qui doit être apprise.

LILLA, Mark, « The Hidden Lesson of Montaigne », New York Review of Books 58, n°5 -24 mars 2011.

En résumé, beaucoup de gens croient en Dieu non pas parce qu’ils veulent combler un besoin mais parce que ça « fait sens avec ce qu’ils voient et ce qu’ils vivent ».

III. Mais quand même, la foi n’est-elle pas sur le déclin ?

Beaucoup prétendent que la religion est en plein déclin dans le monde, qu’il y a de moins en moins de croyants. Mais c’est une thèse que beaucoup d’études réfutent comme celles de Peter Berger et Grace Davie. D’après ces derniers :

La plupart des sociologues des sociologues des religions s’accordent maintenant à dire qu’il a été empiriquement démontré « que la thèse de la sécularisation (selon laquelle la foi décline au fur et à mesure qu’une société se modernise » est fausse.

BERGER, DAVIE, et FOKAS, Religious America, Secular Europe ?, p. 10 (cité par KELLER, p. 37).

La religion augmente partout dans le monde, même dans de pays qui se modernisent comme la Chine. En réalité, les études prédisent qu’à long terme ce ne sont pas les populations croyantes qui « disparaîtront » mais les populations séculières.

Une étude du Pew Research Center, d’avril 2015, prévoit que le pourcentage de personnes athées, agnostiques et sans appartenance religieuse va décliner, lentement mais sûrement, passant de 16,4 % de la population mondiale à 13,2 % dans quarante ans.

KELLER, Dieu, le débat essentiel. Une invitation pour les sceptiques, op. cit., p. 37.

Comment expliquer ce déclin du sécularisme ? Il y a deux raisons.

A. Les raisons au déclin du sécularisme

1. Il y a plus de conversions que de déconversions à une religion

a. Les religions libérales et les religions traditionnelles

Quand on parle de déconversions de religions, il faut bien faire la différence entre les religions des libéraux et les religions des conservateurs.

i. Les religions libérales

D’un côté, on a les religions libérales qui abandonnent leurs croyances fondamentales et qui sont très influencées par le matérialisme. Par exemple, les protestants libéraux ne croient pas en la résurrection de Jésus, aux miracles et parfois pensent que Dieu n’existe pas ! Elles se sentent « assez libres » de choisir en quoi ils peuvent croire et recherchent « la nouveauté ». Elles se réduisent souvent à un programme social destiné à améliorer le bien-être des hommes, un programme où Dieu est complètement absent.

Nous avons sur ce blog quelques articles qui expliquent comment certaines Églises en France (des Églises réformées) sont devenues libérales : ici et ici.

ii. Les religions traditionnelles

De l’autre côté, on a les religions traditionnelles sont celles qui restent fidèles au message original de leur foi. Elles restent conservatrices et orthodoxes (dans le sens qu’elles ne s’écartent pas de leur message original). Les protestants conservateurs défendent fermement l’existence de Dieu, la résurrection du Christ et le fait que la Bible vient bien de Dieu (ce qu’on appelle l’inspiration divine de la Bible).

iii. Le déclin de religions libérales et l’ascension des religions traditionnelles

Et justement, la plupart des déconversions ont lieu dans les communautés libérales et modérées alors que les conversions ont surtout lieu dans les milieux conservateurs. Les religions qui sont en train de mourir sont les libérales mais pas les conservatrices, qui au contraire grandissent !

La religion libérale « séduit un public américain sécularisé mais, comme les sociologues l’ont démontré, c’est ce genre de foi qui disparaît le plus vite dans le monde8». Pendant ce temps, les religions qui reposent sur la conversion augmentent de manière exponentielle » (p. 39).

Il faut noter que dans notre contexte, en France et en Europe, nous nous trouvons à un stade plus avancé que les États-Unis. Nous sommes « en avance » : ce qui est déjà arrivé en Europe est en train d’arriver aux États-Unis. Les Églises libérales, qu’elles soient protestantes ou catholiques (et quel que soit leur étiquette), perdent de plus en plus de membres tandis que les Églises traditionnelles fidèles à la Bible gagnent de plus en plus de membres. Régulièrement, de nouvelles Églises sont implantées.

Les élites culturelles de nos sociétés occidentales négligent ce fait comme ils pensent arbitrairement que seules les religions libérales sont raisonnables et viables. C’est ce qui fausse leur conclusion selon laquelle la religion décroît. Ils ne prennent pas du tout en compte les religions traditionnelles comme celle des évangéliques conservateurs qui implantent sans cesse de nouvelles Églises.

b. Les religions héritées et les religions choisies

Il y a une dernière différence à prendre en compte : celle entre religion héritée et religion choisie.

i. Les religions héritées

La religion héritée, c’est celle des non-pratiquants, qui grandissent dans une religion, qui en gardent des traces dans leur vie. Mais ce n’est qu’une culture. C’est par exemple le cas des catholiques de tradition qui n’assistent à la messe qu’aux grandes occasions comme à Noël ou à la Pâques.

Ils comprennent souvent la religion seulement comme un ensemble de règles ou d’habitudes culturelles. Ce sont juste des règles qui se rajoutent à leur manière de vivre. Mais la religion n’est pas au centre de leur vie, n’est pas ce qui définit les autres domaines de leur vie (sexe, famille, rapport à Dieu, éthique). Au fil des générations, cette religion se réduit de plus en plus à une « morale » et souvent les jeunes finissent par s’en écarter complètement.

ii. Les religions choisies

À l’opposé, on a une autre manière de vivre la religion : la religion choisie. La religion est bien sûr quand même pratiquée dans un cadre familial, les enfants héritent bien un minimum de la religion des parents. Mais cette religion demande un engagement radical et pas juste partiel. C’est ce que voulait dire Jésus quand il disait : Celui qui met la main à la charrue et regarde en arrière n’est pas fait pour le royaume de Dieu. (Luc 9,62)

Dans cette religion, il n’est pas possible de considérer la religion comme un loisir ou une simple habitude parmi d’autres. Jésus nous dit : Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, et de toute ta pensée. (Matthieu 22,37) Le chrétien cherche à adapter ses choix aux commandements de Dieu. Il ne va pas faire des choses qui lui déplaisent. Au contraire, il va chercher à tout prix à lui obéir non pas pour obtenir quelque chose de lui mais pour lui exprimer son amour et sa reconnaissance de lui avoir pardonné ses péchés.

En réalité, il n’y a rien de mauvais à être influencé par ses parents, d’être éduqué dans la foi (c’est même un privilège, une chance énorme !). Mais il est crucial qu’il y ait un engagement personnel, authentique et radical dans la foi. Il ne faut pas que cette religion soit juste un ensemble de règles superficielles mais qu’elle soit une foi profonde qui comprend l’amour de Dieu. Pas juste une tradition ou des pratiques héritées des parents mais une foi engageante, volontaire et choisie.

iii. Le déclin des religions héritées et l’ascension des religions choisies

Vous l’aurez peut-être deviné, ce qui est en train de disparaître, c’est la religion héritée, alors que la religion choisie s’accroît.

Ce qui ne décline pas dans les sociétés modernes, c’est la religion choisie, c’est-à-dire fondée non sur l’origine éthique ou la seule éducation, mais sur une décision personnelle 9. Par exemple, parmi tous les groupes religieux des Etats-Unis, seuls les protestants évangéliques convertissent plus de gens qu’ils n’en perdent, ce qui correspond exactement à ce que Berger, Casanova, Davie et d’autres sociologues laissent présager. 

p. 40.

L’enquête du Pew Center a découvert que le nombre de chrétiens dans les Églises évangéliques et pentecôtistes (Églises appelant les gens à prendre une décision et à se convertir) avait augmenté de deux millions au cours des sept dernières années, alors que le nombre de croyants dans les Églises protestantes et catholiques traditionnelles avait connu un net déclin10.

p. 361.

2. Les croyants ont beaucoup plus d’enfants que les populations sécularistes et matérialistes

Cela vaut pour tout le monde quelque ce soit le groupe ethnique, le niveau d’éducation ou la classe socio-économique.

Ceux qui ne vont jamais à l’église ont moins d’enfants que ceux qui y vont de temps en temps, et ces derniers ont à leur tour moins d’enfants que ceux qui vont à l’église tous les dimanches. Voir les recherches de Michael Blume, universitaire allemand qui a démontré l’existence d’une corrélation positive entre une présence régulière à l’église et le nombre d’enfants au niveau mondial. Jesse Bering, « God’s Little Rabbits : Religious People Out-Reproduce Secular Ones by a Landslide », Scientific American, 22 décembre 2010 : « Ceux qui ne vont « jamais » à l’église donnent naissance, en moyenne, à 1,67 enfants dans leur vie [ce qui est en deçà du taux de renouvellement de la population qui s’élève à 2 enfants] ; « une fois par mois », et cette moyenne s’élève à 2,01 enfants ; « plus d’une fois par semaine », 2,5 enfants.

pp. 360-361.

Il est souvent dit aussi que les croyants auraient plus d’enfants parce qu’ils sont moins éduqués. Mais c’est également faux. Quand de jeunes chrétiens vont en ville pour leurs études supérieures et qu’ils se marient, ils continuent quand même à avoir beaucoup d’enfants dans la plupart des cas. Je vous renvoie à la source d’avant pour vérifier.

Par contre je suis obligé de prendre mes distances quand Keller dit que si on « fait trop d’enfants », alors cela aggravera la pauvreté. Maxime a commencé une série d’articles sur la sexualité chrétienne et abordera à un moment cette problématique de la surpopulation.

B. Quelques derniers chiffres pour finir

Pour finir, voici quelques chiffres donnés par Keller qui confirment l’avancée du christianisme dans le monde (il écrit en 2016) :

1. Quelques données actuelles et prédictions

Dans le monde non occidental, la croissance du christianisme est renversant. Dimanche dernier, il y avait plus de chrétiens dans les Églises de Chine que dans toute « l’Europe chrétienne11 ». En 2020, les chrétiens seront passés de 11,4 millions en Extrême-Orient (Chine, Corée et Japon) en 1970, soit 1,2 % de la population, à 171,1 millions soit 10,5 % de la population12. En 1910, seules 12 millions de personnes (9 % de la population d’Afrique) étaient chrétiennes, mais elles seront 630 millions (49,3 % de la population) en 202013. Dimanche dernier, au Nigéria, au Kenya, en Ouganda, en Tanzanie et en Afrique du Sud, il y avait dans chacun de ces pays plus d’Anglicans à l’Église que d’anglicans et d’épiscopaliens dans toute la Grande-Bretagne et dans tous les États-Unis réunis.

pp. 40-41.

2. Une vérification de ces prédictions

Il est intéressant de vérifier les prédictions faites par ces chercheurs étant donné que nous sommes maintenant en 2021. On a aujourd’hui 9,2% de gens qui affirment être chrétiens en Extrême-Orient (Chine, Japon, Corée, Mongolie, Taïwan) d’après les statistiques de Joshua Project, une association qui étudie l’avancée du christianisme dans le monde. On a bien une augmentation, qui plus est, est considérable. En Afrique, toujours d’après Joshua Project, on a aujourd’hui 48% de chrétiens. Ce n’est pas très loin de la prédiction citée par Keller et de nouveau, on a bien une croissance, une nouvelle fois, très importante.

IV. Pourquoi poursuivre votre lecture ?

A. Pour comprendre la foi de millions de gens qui cherchent Dieu

Dans cet article, nous n’avons jamais cherché à savoir si la position défendue était vraie ou fausse. Nous avons juste décrit les faits : la religion n’est absolument pas en train de disparaître, le nombre de croyants est en hausse alors que celui des sceptiques diminue. Ce que nous avons justifié avec des statistiques dans la dernière partie.

Nous avons ensuite essayé d’expliquer cette tendance en donnant deux raisons. D’abord, les gens (surtout les Occidentaux) se rendent compte que le matérialisme a des faiblesses. Premièrement, il est incapable de fonder la morale, l’égalité des hommes, de donner un sens à notre vie, de nous apprendre à affronter la mort et à trouver le pardon. Deuxièmement, il va à l’encontre de notre sentiment intuitif que la vie, « que les êtres humains que nous sommes, nos amours et nos aspirations ne peuvent se réduire à la matière, à la chimie et aux gènes » (p. 41).

Il nous reste donc à explorer différentes problématiques et arguments pour comprendre pourquoi le christianisme est vrai et ses concurrents sont faux (en particulier le matérialisme si répandu en Occident). Vous verrez ainsi qu’il n’est pas si étonnant qu’autant de gens se tournent vers la foi chrétienne.

B. Pour une raison qui vous est personnelle

Peut-être que vous aussi vous avez vécu une expérience du type de la « plénitude ». Une expérience mystique qui vous a peut-être permis d’envisager pour la première fois l’existence de quelque chose de plus grand que ce monde. Dans ce cas, lire la suite de cette série d’articles vous permettra (je l’espère) de vous rendre compte qu’il y a bel et bien un être transcendant. Et que lui seul peut donner un sens à votre vie, vous satisfaire, vous donner la vraie liberté, fonder votre identité, vous procurer une espérance solide, donner un sens au bien et au mal et étancher votre soif de justice.

Si par contre vous ne sentez pas le besoin de connaître Dieu, je vous invite quand même avec Keller, à lire la suite. Souvent, on vient à la foi pour un mélange de raisons émotionnelles, intellectuelles, relationnelles etc. Vous aurez l’occasion de voir si le christianisme est vraiment raisonnable et s’il tient vraiment la route. Peut-être, serez-vous convaincu et que vous vous rendrez compte que Dieu seul peut vous donner ce qu’au fond de vous vous cherchez comme tout être-humain (sens de la vie, morale, justice, espérance, liberté, identité). En tout cas c’est ma prière.

Si vous êtes déjà croyant, je pense que, comme moi, vous découvrirez plein de réflexions intéressantes sur notre foi en Christ. Vous serez probablement fortifiés dans votre foi. J’espère que vous serez beaucoup encouragés à louer Dieu et à le remercier pour sa présence dans votre vie, toute la joie durable qu’il vous apporte et son amour pour vous.


Illustration de couverture : Sir James Thornhill, Paul préchant sur l’Aréopage, huile sur toile, 1729-1731.

  1. LEWIS, C. S., « On Living in an Atomic Age », dans Present Concerns, New York : Hartcourt, 1986, p. 76.[]
  2. TAYLOR, Charles, L’âge séculier, op. cit., p. 11-49 et le chapitre intitulé « Les pressions transversales », pp. 1009-1048.[]
  3. BRUNI, Franck, « Between Godliness and Godlessness », New York Times, 30 août 2014. Cité par KELLER, pp. 29-30.[]
  4. DREYFUS, Hubert, et KELLY, Sean Dorrance, All Things Shining : Reading the Western Classics to Find Meaning in a Secular Age, New York : Simon & Schuster, 2011, p. 201, cité par KELLER, p. 30.[]
  5. SCRUTON, Roger, The Soul of the World, Princeton, NJ : Princeton University Press, 2014.[]
  6. Cité par BABBAGE, Stuart, « Lord Kenneth’s Clark’s Encounter with the ‘Motions of Grace’ » Christianity Today, 8 juin 1970, p. 28.[]
  7. HAVEL, Václav, Lettres à Olga, La Tour-d’Aigues : éd. de L’Aube, 1995, p. 367-368. Cité par TAYLOR, L’âge séculier, op. cit., p. 1228., lui-même cité dans KELLER, Dieu, le débat essentiel. Une invitation pour les sceptiques, op. cit., p. 31.[]
  8. BROOKS, David, « Creed and Chaos », New York Times, 21 avril 2011.[]
  9. BERGER, DAVIE, et FOKAS, Religious America, Secular Europe ?, pp. 40-41.[]
  10. BAILEY, Sarah Pulliam, « Christianity Faces Sharp Decline as Americans Are Becoming Even Less Affiliated with Religion ».[]
  11. NOLL, Mark, From Every Tribe and Nation, p. 130.[]
  12. « Christianity in Its Global Context“, 1970-2020 : Society, Religion, and Mission », Center for the study of Global Christianity, Gordon Conwell Theological Seminary, juin 2013, p. 36.[]
  13. Ibid., p. 22.[]

Laurent Dv

Informaticien, époux et passionné par la théologie biblique (pour la beauté de l'histoire de la Bible), la philosophie analytique (pour son style rigoureux) et la philosophie thomiste (ou classique, plus généralement) pour ses riches apports en apologétique (théisme, Trinité, Incarnation...) et pour la vie de tous les jours (famille, travail, sexualité, politique...).

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1 Commentaire

  1. Erwan

    Le vrai clivage n’est pas à mon avis entre croyants et non croyants mais entre optimistes sur l’humanité et pessimistes.
    Les croyants comme les athées travaillent, se marient, vont au supermarché, s’engagent en politique…
    Les pessimistes concernant les qualités morales de l’humanité peuvent faire toutes choses par instinct.
    Mais condamnent tout ce qui fait la vie d’un point de vue conceptuel, théorique.

    Les optimistes veulent transformer ou conserver le monde
    Les pessimistes detestent le monde et ce qu il y a dans le monde.
    Les pessimistes remettent en cause la majeure partie de la morale biblique.
    Celle ci est vue comme étant une expression d une tentative de religion qui soit pour la terre pas pour le ciel.

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