Élus par seule grâce de Dieu – Turretin (4.11)
29 juin 2023

L’élection se fait-elle en prévision de la foi ou des œuvres, ou bien par la seule grâce de Dieu ? Nous nions le premier, affirmons le second.

Lorsqu’on dit qu’on est sauvé « par la foi », cela veut-il dire que nous sommes nous sauvés à cause de notre foi (opinion arminienne) ou au moyen de notre foi ? Dire que l’on est sauvé à cause de notre foi est une opinion très répandue, probablement parce qu’elle est intuitive. Dieu a choisi ceux qui le choisiraient, il a répondu à notre foi future en nous prédestinant, voilà l’opinion arminienne. Notre foi a « acheté » le salut. C’est beau, mais c’est faux. Contre cela, les réformés affirment que c’est dû à la seule grâce de Dieu que nous sommes sauvés, la foi n’étant qu’un instrument de notre salut, et non une cause.

Pour préciser un peu la question :

  • Nous ne nions pas qu’il y ait besoin de la foi pour être sauvé. Nous nions simplement qu’elle soit la cause du salut, et nous préférons dire qu’elle est un instrument. Elle fait partie de la prédestination de Dieu, car en ordonnant que nous soyons sauvés, il a aussi ordonnés que nous ayons la foi comme moyen de ce salut.
  • Nous ne nions pas que Dieu a ses raisons et que sa décision de salut n’est pas capricieuse. Seulement, nous affirmons que ces raisons sont en Dieu seul, et non en l’homme à l’extérieur de Dieu.

Aperçu historique (§§ 5-9)

Du côté des catholiques, il n’y a pas de consensus, même à l’intérieur des factions en présence (certains jésuites sont prédestinariens par exemple). Néanmoins, il y a quelques poids lourds qui sont en accord avec les réformés, en mettant la cause de l’élection en Dieu seul, tel que Bellarmin. Contre cela, les jésuites et le peuple catholique du XVIIe siècle sont en majorité favorables à l’idée d’une prédestination causée par l’homme.

Du côté luthérien, il n’y a pas eu autant de débats sur la prédestination que chez les réformés, mais une majorité molle se dessine en faveur d’une prédestination causée par l’homme.

Les arminiens qui ramènent le pélagianisme et le papisme par la porte de derrière n’osent pas dire en toutes lettres que la foi cause le salut, mais leurs formulations l’impliquent. Ainsi, dans leur doctrine du XVIIe siècle, ils définissent deux décrets d’élection : l’un qui est à la seule initiative de Dieu, qui dit simplement qu’il sauvera « tous ceux qui croient » et un deuxième qui contient les noms précis des élus concernés, sur la base de leur foi à venir.

Contre cela, les réformés affirment unanimement que le salut est entièrement gratuit, de l’élection à la glorification, selon les nuances déjà dites.

Argumentation (§§ 10-24)

Premièrement, la foi et l’obéissance sont des fruits de l’élection. Ils ne peuvent donc pas être sa cause. Notez l’ordre dans ces versets : d’abord la prédestination et ensuite seulement la foi et les œuvres.

  • Romains 8,30 : Et ceux qu’il a prédestinés, il les a aussi appelés. Appelés à la foi.
  • Ephésiens 1,4 : Dieu nous a élus avant la fondation du monde, pour que nous soyons saints et irréprochables devant lui Notez bien : pour que nous « soyons », et non parce que nous le sommes déjà ou bien parce que c’était déjà acquis.
  • Ephésiens 1,5 : Il nous a prédestinés dans son amour à être ses enfants d’adoption et Jean 1,12 : à ceux qui croient en son nom, elle a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu. Donc c’est par prédestination que nous croyons et devenons enfants de Dieu, et pas l’inverse (en croyant que nous devenons prédestinés…).
  • Actes 13,48 : tous ceux qui étaient destinés à la vie éternelle crurent. La prédestination précède la foi.

En résumé, comme le dit Augustin : Nous comprenons « appel » au sens où nous devenons un élu, et non que nous sommes élus parce que nous allons croire. Car si c’est ainsi qu’on est élus, en croyant, alors ce sont les croyants qui ont élu Dieu, et ainsi ils méritent d’être élus1.

Turretin traite d’objections arminiennes à ces passages, mais je crains en les synthétisant de réactiver ou donner de bons arguments aux arminiens contemporains. Je leur laisse donc le soin de répondre par eux-mêmes à ce qui est déjà écrit.

Deuxièmement, l’élection se fait à partir du seul bon plaisir de Dieu, et non en prévision d’œuvres futures. C’est ce qui est écrit ici :

  • Romains 9,11 : Le dessein d’élection de Dieu subsiste, sans dépendre des œuvres, et par la seule volonté de celui qui appelle.
  • Romains 9,16 : Cela ne dépend ni de celui qui veut, ni de celui qui court, mais de Dieu qui fait miséricorde.
  • Romains 11,5-6 : De même aussi dans le temps présent, il y a un reste selon l’élection de la grâce. Or, si c’est par grâce, ce n’est plus par les œuvres; autrement la grâce n’est plus une grâce.
  • Matthieu 11,26 : Père, je te loue de ce que tu l’as voulu ainsi.
  • 2 Timothée 1,9 : Il nous a sauvés, et nous a adressé une sainte vocation, non à cause de nos œuvres, mais selon son propre dessein, et selon la grâce qui nous a été donnée en Jésus-Christ avant les temps éternels.

Pareillement, Turretin traite les objections sophistiquées des arminiens de son époque, mais je passe dessus, sauf si un arminien vient défendre sa vision.

Troisièmement, admettons un instant que la foi prévue cause l’élection. Alors cela engendre le dilemme suivant, dont toutes les branches sont fausses sauf l’orthodoxie.

  • Si Dieu prévoit la foi qu’il va donner lui-même, alors c’est la foi suit l’élection et non l’inverse.
  • Si Dieu prévoit que nous allons avoir la foi par nos seules forces naturelles, alors c’est du pélagianisme, suffisamment réfuté par 1 Corinthiens 4,7 : Qu’as-tu que tu n’aies reçu ?
  • Si Dieu prévoit un acte de foi commun où chaque partie fait sa part, en collaboration ; alors cela revient à l’une ou l’autre des branches déjà prévues: soit Dieu donne la foi à l’homme qui en manifeste le désir, et c’est le pélagianisme déjà dénoncé ; soit l’homme prend la foi que Dieu lui donne, et c’est le retour à une foi causée par l’élection, et non l’inverse que veulent défendre les arminiens.

Quatrièmement, si Dieu choisit en prévision de la foi, alors cela veut dire que c’est l’homme qui choisit Dieu et non l’inverse. Ce n’est plus la prédéstination mais la postdestination. Cela va contre les paroles de Jésus en Jean 15,16 : Ce n’est pas vous qui m’avez choisi ; mais moi, je vous ai choisis commentées ainsi par Augustin : C’est l’élection de Dieu que décrivent les paroles « Ce n’est pas vous qui m’avez choisis ; mais moi je vous ai choisis » et la foi ne précède pas ce choix : car il ne nous as pas élus parce que nous croyons, ou parce que nous allions croire, mais pour que nous ne puissions pas dire que nous l’avons choisis en premier.

Cinquièmement, si l’élection est faite en prévision de la foi, alors il n’y a aucune question à se poser sur « pourquoi celui-ci et pas celui-là? » Il n’y a plus de mystère. Le problème, c’est qu’il y a bien un mystère dans la prédestination. Romains 11,33 : Ô profondeur de la richesse, de la sagesse et de la science de Dieu ! Que ses jugements sont insondables, et ses voies incompréhensibles!

Pour ce qui est de la traditionnelle réponse aux objections, que les arminiens avancent les leurs sur ce sujet précis, et nous y répondrons.

  1. De la prédestination des saints, 34[]

Étienne Omnès

Mari, père, appartient à Christ. Les marques de mon salut sont ma confession de foi et les sacrements que je reçois.

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