Cet article est le troisième d’une série consacrée à la logique classique (ou aristotélicienne, c’est-à-dire développée par Aristote). Le deuxième expliquait pourquoi il est important d’étudier la logique. Cet article est un extrait de Socratic Logic de Peter Kreeft, p. 26-27 que j’ai jugé utile de traduire et de publier comme il est à la fois court et très accessible. J’ai rajouté des titres pour séparer les blocs et donc pour rendre l’article plus lisible.
Cette partie du livre est l’une des plus courtes et des plus faciles à comprendre. Mais elle est aussi l’une des plus importantes comme je vais y présenter les bases sur lesquelles repose tout le reste de la logique. Si vous ne les comprenez pas, vous aurez du mal à saisir la suite (je donne plus de détails dans la section suivante, la section 5).
Les philosophes anciens définissaient l’Homme comme « l’animal rationnel ». Être un homme, c’est (entre autres) être capable de raisonner, de donner des raisons de croire que certaines choses sont vraies.
Dans tout raisonnement, on part de prémisses pour arriver à une conclusion. La conclusion, c’est ce qu’on essaye de prouver, les prémisses sont les raisons ou les indices qui justifient que la conclusion est vraie.
Deux types de raisonnements : l’induction et la déduction
Les deux types de raisonnements les plus fondamentaux sont l’induction et la déduction. En général, les raisonnements par induction partent de prémisses particulières (e.g. « Je suis mortel » et « Tu es mortel » et « Il est mortel » et « Elle est mortelle ») pour arriver à une conclusion universelle qui est plus générale (e.g. « Tous les hommes sont mortels »). En général, les raisonnements par déduction partent d’au moins une prémisse générale ou universelle (e.g. « Tous les hommes sont mortels ») pour arriver à une conclusion plus particulière, moins générale (e.g. « Je suis mortel »).
Les raisonnements par induction ne nous font connaître des choses qu’avec une certaine probabilité, sans certitude. Si l’on a vu quatre hommes ou 4 millions d’hommes mourir, nous ne pouvons en déduire avec certitude que tous les hommes sans exception sont mortels. Les raisonnements déductifs nous font connaître des choses avec certitude lorsqu’il est correct. Il est certain que si tous les hommes sont mortels et que je suis homme, que je suis donc mortel.
Les trois conditions pour qu’un argument soit valide
Un argument déductif prouve efficacement que sa conclusion est vraie si et seulement s’il remplit trois conditions. Il y a trois tests qu’on doit faire passer à chaque argument déductif.
(1) Premièrement, tous les termes doivent être clairs1 et sans ambiguïté. Si un terme est ambigu, il faut alors le définir. Si on ne le fait pas, les deux parties du débat croiront parler de la même chose, alors qu’ils parlent en fait de choses différentes.
(2) Deuxièmement, toutes les prémisses doivent être vraies. On peut (faire semblant de) « prouver » n’importe quoi à partir de fausses prémisses : e.g. « Tous les martiens sont infaillibles, or je suis un martien, donc je suis infaillible. »
(3) Troisièmement, l’argument doit être logiquement valide. Cela veut dire que la conclusion doit être la conséquence nécessaire des prémisses de telle sorte que si les prémisses sont vraies, alors la conclusion l’est aussi.
(1) En logique, un « terme » désigne le sujet ou le prédicat2 d’une proposition (une phrase déclarative3). Les termes sont soit clairs, soit ambigus. Les termes ne peuvent pas être vrais ou faux. E.g. « mortel » n’est ni vrai ni faux. La proposition « Tous les hommes sont mortels » est vraie, et la proposition « Quelques hommes ne sont pas mortels » est fausse.
(2) Les propositions sont des phrases déclaratives. Elles sont forcément soit vraies, soit fausses. Dans son usage courant, « vrai » signifie « qui correspond à la réalité », et « faux » le contraire. Il n’y a aucun moyen simple et infaillible de déterminer si une proposition est vraie ou fausse.
(3) Cependant, il existe un moyen de vérifier facilement qu’un argument est valide ou invalide : les lois de la logique, que vous apprendrez dans ce livre.
On dit qu’un argument déductif est logiquement valide si sa conclusion suit nécessairement ses prémisses et invalide si ce n’est pas le cas. Il existe de nombreux types d’arguments. Chacun a ses propres règles à suivre pour être valide.
Toutes les règles de chaque type d’argument sont naturelles et intuitives. Si lors de votre lecture, vous pensez qu’une de ces lois de la logique contredit ce que vous savez de manière implicite grâce à votre bon sens, je vous demanderai d’arrêter votre lecture et d’y réfléchir. Vous n’avez pas compris soit les lois de la logique soit votre bon sens. En effet, les lois de la logique et votre bon sens ne peuvent pas se contredire comme la logique ne fait rien d’autre que rendre explicite les règles que tout le monde connaît déjà de manière innée par pur bon sens.
Les arguments sont composés de propositions (des prémisses et une conclusion) et les propositions de termes (un sujet et un prédicat). Les termes sont soit clairs, soit ambigus (« flous », imprécis). Les propositions (que ce soit les prémisses ou la conclusion) sont soit vraies, soit fausses. Les arguments sont soit logiquement valides, soit invalides. Seuls les termes peuvent être clairs ou ambigus ; seules les propositions peuvent être vraies ou fausses ; seuls les arguments peuvent être logiquement valides ou invalides.
Les trois questions à poser pour évaluer un argument
Par conséquent, les trois questions que vous devriez sans cesse vous poser lorsque vous écrivez ou parlez ou bien posez à d’autres gens lorsque vous les lisez ou les écoutez parler sont :
- Est-ce que les termes sont clairs et sans ambiguïté ?
- Est-ce que les prémisses sont vraies ?
- Est-ce que le raisonnement est logiquement valide ?
Si vous pouvez répondre « Oui » à ces trois questions, alors la conclusion de l’argument est forcément vraie.
C’est pourquoi si vous voulez nier la conclusion d’un raisonnement, vous êtes obligés de montrer qu’il y a soit (1) un terme ambigu, ou (2) une fausse prémisse, ou (3) une erreur de logique dans l’argument qui fait que la conclusion ne suit pas nécessairement les prémisses4 (vous apprendrez bientôt les règles pour discerner quand est-ce c’est le cas). Si vous êtes incapables de faire l’une de trois choses et que vous êtes honnêtes, vous devrez reconnaître que la conclusion que vous avez essayé de réfuter est vraie (tout cela s’applique uniquement aux arguments déductifs ; les arguments inductifs ne prétendent pas donner de certitude).
Illustration : Éducation d’Alexandre par Aristote, gravure de Charles Laplante, publiée dans le livre de Louis Figuier, Vie des savants illustres – Savants de l’antiquité (tome 1), Paris, 1866, pages 134-135.
- En gros, bien définis.[↩]
- Un prédicat est quelque chose, une qualité, un adjectif qu’on attribue à un sujet. Par exemple : grand, petit, vert, rouge, bête, intelligent, etc. Dans la phrase « Laurent est chinois », « Laurent » est le sujet et « chinois » est le prédicat. Nous y reviendrons plus tard plus en détails.[↩]
- C’est-à-dire une phrase qui « déclare », affirme un fait (qui peut être vrai ou faux), dans laquelle quelqu’un donne son avis à propos de quelque chose[↩]
- Montrer qu’il y a une seule erreur est le minimum, il peut très bien y en avoir plusieurs, parfois même plusieurs types d’erreurs ![↩]
Je pense avoir un peu de mal à comprendre … si je dis « quelques hommes ne sont pas mortels » c’est faux car la phrase est négative et ce selon leçons de logique d’Abbé A. Robert,lorsqu’une phrase est négative l’attribut ou prédicat exclue de toute son extension le sujet,donc pas de demi mesure. De plus le terme « mortel » signifie capable de mourir et « homme » une espèce Or si je dis « quelques fleurs ne sont pas jaunes » cela a l’air pourtant d’avoir du sens bien que la phrase soit négative… pourquoi ? J’ai l’impression que le problème de mon incompréhension se situe au niveau des termes.
Ps: je débute en logique