Apprendre à raisonner (6) : Les concepts
29 juin 2021

Cet article est le sixième d’une série consacrée à la logique classique (ou aristotélicienne, c’est-à-dire développée par Aristote). Le cinquième expliquait ce qui distingue l’homme des animaux et des ordinateurs. Cet article parle maintenant des concepts, d’où ils viennent et à quoi ils servent. Comme d’habitude, je reprendrai énormément le contenu du livre de Peter Kreeft, Socratic Logic à la page 37.


Comme nous l’avons vu dans un article précédent, il existe trois opérations de l’intelligence. En gros trois types d’actions que nous réalisons lorsque nous réfléchissons. En particulier, c’est la première, l’appréhension simple ou compréhension : ce qui se passe quand on comprend ce qu’est quelque chose (un chien, un chat, une statue, un bateau, etc.).

En termes plus philosophiques lorsque nous connaissons les essences des choses. Cette capacité de connaître les essences, de les comprendre ou les appréhender, seuls les humains l’ont. Comme nous l’avons vu dans l’article précédent, c’est ce qui les différencie des animaux et des ordinateurs.

I. Les concepts : le moyen par lequel nous connaissons les choses (leurs essences)

Mais comment connaissons-nous les essences des choses ? Quel moyen rend cette connaissance possible ? Les concepts. Pour faire très simple, les concepts sont les idées mentales abstraites des choses (un chien, un chat…) qui se trouvent « dans notre tête », dans notre esprit. Comme nous le verrons plus tard plus en détails, les concepts ne sont pas des images mentales.

C’est grâce au concept abstrait de chien que je peux comprendre le « vrai » chien (ce chien-là précis, celui qui existe vraiment et que j’entends aboyer juste devant moi). Le concept de chien se trouve mentalement dans mon esprit : ce n’est pas une réalité physique et il dépend de mon esprit pour exister. Au contraire, le chien réel est physique (je peux le caresser, le voir, lui crier dessus, etc.) et il peut exister même quand je ne pense pas à lui.

Les concepts sont donc notre moyen de comprendre la réalité, un peu comme un miroir (qui ne déforme pas la réalité) à travers lequel on a directement accès à la réalité (je détaille ce point juste après). Ils ne dépendent pas du temps, ni de l’espace : ils les transcendent (les dépassent).

II. Les concepts : un moyen fiable qui nous donne directement accès à la réalité sans la déformer

Schéma dans Summa of the Summa1 de Peter Kreeft, p. 326

Il est important de comprendre quand nous connaissons les essences de choses (la réalité), nous ne comprenons pas juste des concepts (leurs idées abstraites), mais nous comprenons la réalité par le moyen des concepts.

Les concepts ne sont pas des obstacles (des copies déformées ou floues de la réalité) qui viennent se poser entre nous et la réalité, et qui nous bloquent donc l’accès à la réalité. Si nous n’avions accès qu’aux concepts et pas à la réalité en elle-même, nous ne pourrions jamais être sûr de connaître ce que les choses sont vraiment. Parce que rien ne nous dit d’abord que le concept a un rapport avec la réalité, et ensuite que le concept la représente fidèlement sans la déformer.

Je veux dire que les concepts ne sont pas comme des lunettes rouges qui nous feraient croire à tort que toute la réalité en rouge (voir le deuxième dessin de l’image). Ni des copies déformées qui nous cachent la réalité. Les concepts sont plutôt des instruments fidèles. Comme des lunettes de très bonne qualité à travers lesquelles nous pouvons directement voir la réalité telle qu’elle est vraiment et non comme étant déformée par les lunettes (voir le premier dessin de l’image).

Résumé

L’appréhension simple est une action (mentale) de notre intelligence qui nous fait comprendre ce que les choses réelles (concrètes et matérielles) sont (leurs essences ou natures) à travers des concepts abstraits qu’elle produit dans nos têtes (nos esprits). Ces concepts ne sont pas des obstacles (« des copies déformées » ou « des lunettes floues ») qui nous bloquent l’accès à la réalité. Mais ce sont le moyen par lequel nous connaissons directement la réalité (« des lunettes de très bonne qualité »).

  1. Un livre qui regroupe des extraits faciles à comprendre de la Somme théologique de Thomas d’Aquin et qui les explique très bien (il y a notamment beaucoup de schémas)[]

Laurent Dv

Informaticien, époux et passionné par la théologie biblique (pour la beauté de l'histoire de la Bible), la philosophie analytique (pour son style rigoureux) et la philosophie thomiste (ou classique, plus généralement) pour ses riches apports en apologétique (théisme, Trinité, Incarnation...) et pour la vie de tous les jours (famille, travail, sexualité, politique...).

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