Les versions sont-elles nécessaires, et quel doit être leur usage et leur autorité dans l’Église ?
Rappelons tout d’abord que version désigne la traduction d’une langue étrangère vers sa langue maternelle. Par exemple, traduire la Bible du grec en français. Turretin aborde successivement les questions 1° de la nécessité et 2° de l’autorité d’une traduction particulière de la Bible.
Dans son contexte du XVIIe siècle, les « plus sages » des catholiques reconnaissent l’utilité et la nécessité de traductions de la Bible. Cependant, d’autres comme Jean Arboreus, professeur à la Sorbonne n’hésitaient pas à dire que la traduction des Écritures dans la langue vernaculaire est une source d’hérésies. Avec lui, on retrouve la plupart des jésuites qui disent que le désir de traduire les Écritures est une curieuse invention d’hérétiques bannis de la religion orthodoxe, et donc inutile à l’Église, et inventée de façon impie et inique dans le but de répandre l’hérésie.
Quand on en vient à craindre que le libre accès à la Bible soit une source d’hérésies, cela devrait normalement poser question sur notre propre doctrine. En tout cas, les réformés orthodoxes pensent qu’il est nécessaire de traduire la Bible.
Argumentation pour la nécessité des traductions (§§ 2-12)
- Il nous est commandé de lire et méditer les Écritures, ce qui n’est accessible au grand nombre que si l’on traduit la Bible.
- L’Évangile est prêché dans toutes les langues, la Bible doit donc être traduite dans toutes les langues.
- L’Église passée a toujours cherché à traduire les Écritures pour instruire le peuple. Même avant le Nouveau Testament, on retrouve des targums qui paraphrasent en langue vernaculaire (araméen ou grec) l’Ancien Testament à l’attention de l’Église de ce temps.
- Il y a une diversité de traductions grecques anciennes, de la Septante à celle d’Aquila, en passsant par Théodotion et Symmaque, compilées dans les Hexaples d’Origène.
- De même il y a plusieurs traductions du grec au latin : une qui était en circulation du temps d’Augustin (la Vetus Latina) et celle de Jérôme de Stridon.
Bref, nous avons toujours traduit les Écritures et n’avons aucune raison de nous arrêter en si bon chemin.
§8 : Une Église unie requiert un langage uni.
Réponse: L’unité de l’Église ne requiert pas l’unité de langage, mais celle de la doctrine. Les premiers conciles ont été bons et légitimes malgré la diversité de langues.
§9 : Il convient davantage à la dignité des Écritures d’être exprimé dans un langage étranger et sacré.
Réponse: La dignité des Écritures vient du sens des mots, et si ces trois langues sacrées [hébreu, grec, latin] paraissent relever la dignité c’est accidentel, à cause de l’ignorance de la multitude, et non en raison d’une dignité particulière de ces langues.
§10 : Il faut noter que Turretin défend l’usage du latin pour les affaires internes de l’Église et les querelles de théologiens. Mais pour ce qui est de la piété et du culte, il ne doit pas y avoir de distinction entre le lettré et le paysan.
§12: Les traductions ne seront jamais aussi authentiques que les textes sources.
Réponse: Peu importe, il suffit qu’elles soient assez fidèles.
Argumentation pour l’autorité des traductions (§13-20)
Quelque soit leur nécessité et leur autorité, leur autorité ne sera cependant jamais à la hauteur du texte original :
- Les traductions ne peuvent rien avoir de plus que le texte source, dont chaque mot est inspiré par le Saint-Esprit.
- L’autorité du prophète auteur du texte ne saurait être à égalité avec le traducteur. Le prophète est inspiré par Dieu, le traducteur s’appuie sur sa compétence humaine.
- Les versions ne sont que les branches d’une même source qui est l’Écriture dans les langues originales.
Cependant, les traductions ont une autorité. Il faut faire la distinction entre l’autorité des choses (qui sont dites dans la Bible), et l’autorité des mots. L’Écriture dans les langues originales a les deux autorités, ayant à la fois l’exact pensée et les mots exacts que Dieu a inspiré. Les traductions n’ont que l’autorité des choses, vu que les mots sont différents. Ainsi, les traductions peuvent toujours être corrigées quant à leurs mots, mais elles font autorité quant à la doctrine exprimée.
§17 : On ne pourra jamais être sûr de la doctrine enseignée dans une traduction.
Réponse : Il faut distinguer entre la certitude grammaticale, où l’on est sûr de la correspondance linguistique entre la traduction et la source, qui n’est accessible qu’aux lettrés d’une part, et la certitude spirituelle, qui consiste à reconnaître la Parole de Dieu, accessible à tout croyant.
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