La peine de mort et l’Église catholique romaine : un magistère vacillant
6 avril 2021

Comme je l’indiquais dans un précédent article, l’actualité catholique romaine est d’un intérêt particulier pour comprendre, au-delà des représentations et des discours idéalisés, la dynamique du magistère romain, son rapport à la tradition et à l’Écriture et sa trajectoire actuelle. C’est pour cette raison que je proposerai ponctuellement une analyse de cette actualité.


La peine de mort est un sujet de théologie morale et politique délicat sur lequel une position chrétienne historique cohérente se dégage. Pourtant, depuis 2018 au moins1, une tangente nettement moderniste a été prise par l’Église romaine à ce propos. Celle-ci s’est manifestée très concrètement par une modification du Catéchisme de l’Église catholique et, plus récemment, par l’encyclique Fratelli Tutti sur « la fraternité et l’amitié sociale »2. Avant de proposer une analyse de cette prise de position à la lumière de l’Écriture, de la tradition chrétienne et de la raison naturelle, il convient d’esquisser ce que la tradition chrétienne et romaine a soutenu sur ce sujet. Nous serons alors à même de questionner plus précisément les prétentions des catholiques romains sur leur rapport à la tradition et de mettre en lumière l’isolement croissant des conservateurs, « vrais catholiques » au sein de l’Église romaine.

La tradition de l’Église

Avant de préciser en quoi la position officielle actuelle de l’Église s’écarte de l’enseignement chrétien historique, il convient de présenter cet enseignement historique. Pour cette section, je suis grandement redevable à ce qu’a écrit Edward Feser, tant dans son ouvrage consacré à notre sujet3 que sur son blog4.

Les Pères

Chez les Pères de l’Église primitive, l’autorité que possède l’État de mettre à mort les malfaiteurs n’est pas remise en question.

BRUGGER, Capital Punishment and Roman Catholic Moral Tradition, University of Notre Dame Press, 2004, p.1125.

Brugger, pourtant opposé à la peine de mort, ne peut nier l’évidence : les Pères ont très largement soutenu l’idée que l’État avait le droit de punir de mort les malfaiteurs. Survolons néanmoins quelques textes pour confirmer cela.

Dans son Apologie des chrétiens, Athénagore d’Athènes cherche à prendre la défense des croyants exécutés pour leur foi. Ce faisant, il ne nie pas que l’État a le pouvoir de tuer mais simplement que les crimes dont les chrétiens sont accusés relèvent de la calomnie. S’ils étaient effectivement coupables de ces crimes, la peine de mort serait légitime :

On nous accuse de trois crimes : d’être des athées, de nous nourrir de chair humaine comme Thyeste, d’être incestueux comme Œdipe. Si ces crimes sont prouvés, n’épargnez ni l’âge, ni le sexe ; punissez-nous par tous les genres de supplices ; exterminez-nous sans pitié, nous, nos femmes et nos enfants, si quelqu’un de nous vit à la manière des brutes. 

ATHÉNAGORE d’Athènes, Apologie des chrétiens, III.

Tertullien, pourtant connu pour s’opposer au fait que le chrétien exerce le rôle de bourreau, ne manque pas de reconnaître qu’une condamnation à mort peut être juste :

Il en résulte que les âmes que l’on estime arrachées par la force, et surtout par la cruauté des supplices, tels que la croix, la hache, le glaive et la bête féroce, ne seront pas exemptes des enfers, pas plus que ces morts violentes, décernées par la justice, lorsqu’elle réprime la violence.

TERTULLIEN, Traité de l’âme, LVI.

Lactance, dans son traité sur La colère de Dieu, explique que Dieu ne peut pas être accusé de malice pour les châtiments qu’il inflige aux hommes, puisque les hommes mêmes peuvent et doivent infliger des châtiments pour maintenir la justice :

Ceux qui accusent de rigueur et de cruauté la justice de Dieu ou celle des hommes, et qui croient que ce soit nuire et faire du mal, que de réprimer les crimes et de punir les coupables, sont dans une erreur grossière et pernicieuse. Les lois qui ordonnent des peines seront des lois dangereuses, et les juges auront tort de condamner au dernier supplice ceux qui auront commis les crimes les plus atroces. Que si la loi est juste quand elle ordonne des peines contre ceux qui les méritent, et si le juge fait le devoir d’un homme de bien quand il punit les coupables à dessein de protéger et de conserver les innocents, Dieu ne nuit à personne quand il arrête l’insolence des pécheurs. Car nuire est faire du mal à un innocent et épargner les méchants, et en les épargnant leur donner la licence de persécuter les gens de bien. 

LACTANCE, De la colère de Dieu, XVII.

Clément d’Alexandrie, quant à lui, affirme que la peine de mort est nécessaire pour le bien commun tout comme l’amputation peut l’être pour le bien du corps humain ou les privations pour le bien de l’âme :

Or, ce n’est ni par envie, ni par haine contre le patient, mais pour obéir aux nécessités de l’art, que le médecin ampute certaines parties du corps, dont le contact pourrait entrainer la mort des parties saines ; et personne ne taxe de cruauté la science médicale. Eh bien ! pour la santé de notre âme, nous n’endurerions pas avec un égal courage l’exil, ou la prison, ou l’amende, quand il s’agit d’arracher quelqu’un au vice et de le rendre à la vertu ? Car la loi, prenant soin de ceux qui lui obéissent, les forme a la piété, leur prescrit la route à suivre, signale chaque faute, et attache une peine aux moindres délits. Mais voit-elle un individu se conduire de manière à être jugé incurable, alors, dans l’intérêt des autres, et de peur qu’ils ne soient corrompus par lui, elle le condamne à mort, par un arrêt salutaire, comme on retranche du corps un membre vicié.

CLÉMENT d’Alexandrie, Stromates, I, XXVII.

Origène affirme que « la mort infligée comme peine du péché est la purification du péché pour lequel elle a été infligé »6. Cyprien, dans un sens similaire à celui d’Athénagore, reconnaît que si les chrétiens étaient coupables des crimes dont on les accuse, on devrait les mettre à mort :

Mais de deux choses l’une : ou c’est un crime d’être chrétien ou ce n’en est pas un. Si c’est un crime, pourquoi ne condamnez-vous pas à mort aussitôt après qu’on s’est avoué tel ? Si ce n’en est pas un, pourquoi tourmenter un innocent ?

CYPRIEN, Contre Démétrien, XIII.

Eusèbe liste parmi les droites actions de Constantin la façon dont il fit exécuter l’un de ses ennemis7. Grégoire de Nazianze affirme que les malfaiteurs méritent la peine de mort8. Il en est de même pour Hilaire de Poitiers9. Ambroise de Milan affirme que Paul reconnait l’autorité de punir de mort à l’État10.

Augustin qui, comme nous le verrons, est d’un intérêt particulier pour cette discussion, soutient dans son Explication du sermon sur la montagne que c’est pour le bien de l’humanité que certains justes de l’Ancienne Alliance ont puni de mort :

Or de grands hommes, des saints, quoique convaincus que la mort qui sépare l’âme du corps n’est point à redouter, mais se conformant aux dispositions de ceux qui la craignent, ont puni certaines fautes de mort, tant pour imprimer la terreur aux vivants que dans l’intérêt même des coupables, à qui la mort était moins sensible que leur péché qui aurait pu s’aggraver s’ils avaient vécu. Et ce jugement, inspiré de Dieu, n’était pas sans fondement. C’est ainsi qu’Élie fit mourir beaucoup d’hommes soit de sa propre main, soit en attirant sur eux le feu du ciel : et beaucoup de grands hommes, d’hommes divins, ont agi de la sorte, non inconsidérément, mais dans le même esprit et pour le bien de l’humanité.

AUGUSTIN, Explication du sermon sur la montagne, XX, 64.

Il affirme encore dans La Cité de Dieu que ce n’est pas violer le commandement « Tu ne tueras point » que d’appliquer la peine de mort :

Dieu lui-même a fait quelques exceptions à la défense de tuer l’homme, tantôt par un commandement général, tantôt par un ordre temporaire et personnel. En pareil cas, celui qui tue ne fait que prêter son ministère à un ordre supérieur ; il est comme un glaive entre les mains de celui qui frappe, et par conséquent il ne faut pas croire que ceux-là aient violé le précepte: « Tu ne tueras point », qui ont entrepris des guerres par l’inspiration de Dieu, ou qui, revêtus du caractère de la puissance publique et obéissant aux lois de l’Etat, c’est-à-dire à des lois très-justes et très-raisonnables, ont puni de mort les malfaiteurs. 

AUGUSTIN, La Cité de Dieu, I, XXI.

Optat de Milève affirme dans son livre Contre les donatistes que l’exemple même de Moïse punissant de mort les coupables prouve que « Tu ne tueras point » n’implique pas qu’il faille être contre la peine de mort11.

Saint Jérôme, au livre IV de son Commentaire sur Jérémie relève au sujet de l’interdiction de répandre le sang innocent que punir « les meurtriers, les sacrilèges et les empoisonneurs ce n’est pas répandre le sang innocent mais appliquer droitement la loi »12. Dans le même sens, dans son Commentaire sur Ésaïe, il affirme que celui qui met à mort le cruel n’est pas cruel13.

Ainsi, ce n’est pas sans raison que Brugger parle d’un « consensus patristique » sur ce sujet14. Ce consensus, comme nous le verrons pour les autres représentants de la tradition, n’est certainement pas que la peine de mort doit être appliquée à chaque crime sérieux. Ce consensus est que l’État dispose du pouvoir de mettre à mort et qu’il peut en faire un droit et légitime usage.

Les théologiens médiévaux et docteurs

Alors que la théologie morale chrétienne s’est précisée, l’argument naturel pour la peine capitale s’est lui aussi étoffé pour pouvoir être résumé ainsi :

  1. Les malfaiteurs méritent une punition.
  2. Plus un crime est sévère, plus la punition doit l’être.
  3. Certains crimes ne méritent rien de moins que la mort.
  4. Ceux qui commettent ces crimes méritent donc d’être punis de mort.
  5. Les autorités publiques ont le droit d’infliger aux coupables les punitions qu’ils méritent.
  6. Les autorités publiques ont donc le droit d’appliquer la peine de mort pour ceux coupables des plus graves crimes.

Ce raisonnement forme la base et la colonne vertébrale de l’argumentaire chrétien pour la peine de mort. À ces considérations s’ajoutent la notion de crainte de la peine dissuadant de commettre le crime15 et le bénéfice pour le condamné car il se voit offrir une occasion de repentance ou, s’il ne se repent pas, il se voit ôté l’occasion de pécher16. Mais ces derniers points sont des bénéfices possibles de la peine de mort et non des justifications rationnelles de sa justice. Des textes comme Genèse 9 ou Romains 13 sur lesquels je reviendrai sont couramment invoqués. L’analogie avec la médecine que nous trouvions chez Clément d’Alexandrie est aussi présente :

La mise à mort d’un malfaiteur est permise en tant qu’elle est ordonnée à la sauvegarde de la société. C’est pourquoi elle appartient à celui-là seul qui pourvoit au bien commun de la société, de même que l’ablation d’un membre corrompu revient au médecin auquel on a confié la santé du corps tout entier. Or le soin du bien commun est confié aux princes qui détiennent l’autorité publique. C’est donc à eux seuls et non aux particuliers qu’il revient de mettre à mort les malfaiteurs.

THOMAS d’Aquin, ST II-II, 64, 3.

Puisqu’il existe un très large consensus sur le fait que les théologiens médiévaux étaient favorables à la peine de mort, il n’est pas nécessaire de s’y attarder beaucoup plus, il convenait simplement de résumer leurs arguments.

L’Église catholique romaine reconnait trente-cinq « docteurs » de l’Église, que ce soit des Pères (comme Augustin Ambroise ou Jérôme), des théologiens médiévaux (comme Anselme ou Thomas d’Aquin) ou des théologiens plus récents (comme le cardinal Bellarmin). Parmi eux, en plus des Pères de l’Église et des médiévaux que j’ai mentionné, saint Alphonse de Liguori et saint Robert Bellarmin se sont exprimés clairement en faveur de la peine de mort. C’est aussi le cas de Jean Duns Scott, Cajetan, Francisco de Vitoria, Francisco Suarez, Juan de Lugo, Charles-René Billuart et bien d’autres théologiens de référence pour les catholiques romains17.

Les papes et les textes du magistère romain

Innocent I était évêque de Rome et est donc considéré par Rome comme un pape. En 405, écrivant à l’évêque de Toulouse, il aborde le sujet des magistrats qui, après être devenus chrétiens, continuent à administrer la peine de mort :

Ils [ses prédécesseurs] s’étaient en effet souvenus que ces pouvoirs avaient été accordés par Dieu et que, pour punir les malfaiteurs, l’épée avait été autorisée ; c’est ainsi qu’un ministre de Dieu, un vengeur, a été donné. Comment donc critiqueraient-ils quelque chose qu’ils considèrent comme ayant été accordé par l’autorité de Dieu ? Sur ces points, nous nous en tenons donc à ce qui a été observé jusqu’ici, de peur que nous ne paraissions soit renverser le bon ordre, soit aller contre l’autorité du Seigneur.

INNOCENT I, Épitre VI à Exsuperium, citée par Brugger, Capital Punishment, p. 89.

Ici, Innocent fait allusion à la compréhension traditionnelle de Romains 13, que je défendrai, et considère que ce serait aller contre l’autorité du Seigneur que de s’opposer au droit des magistrats à administer la peine de mort. Il signale que ses prédécesseurs considèrent ce droit comme ayant été accordé par Dieu.

En 1210, le pape Innocent III exige des hérétiques qui veulent réintégrer la communion de l’Église une confession de divers points doctrinaux, dont le suivant :

Nous déclarons que le pouvoir séculier peut, sans péché mortel, imposer un jugement de sang à condition que le châtiment soit exécuté non pas dans la haine mais avec un bon jugement, non pas inconsidérément mais après une mûre délibération.

DENZINGER, § 425.

Si le pape exige cela d’un groupe hérétique, c’est bien qu’il considère cette affirmation comme étant une question d’orthodoxie catholique. Il réaffirme d’ailleurs dans une lettre la même chose en introduisant son propos par « qu’aucun de vous n’affirme que… » le magistrat n’a pas le droit de mettre à mort18.

En 1520, le pape Léon X, dans sa fameuse bulle Exsurge Domine, dans laquelle il condamna Martin Luther, liste plusieurs « erreurs » qu’il pense être associées à la doctrine du réformateur. Il affirme alors :

En les énumérant, nous décrétons et déclarons que tous les fidèles des deux sexes doivent les considérer comme condamnées, réprouvées et rejetées. Nous tenons tous les fidèles à la vertu de la sainte obéissance sous peine d’une excommunication majeure automatique.

Parmi les propositions condamnées se trouve la suivante :

Que les hérétiques soient brûlés, c’est contre la volonté de l’Esprit.

Proposition condamnée numéro 33.

Il n’affirme pas que tous les hérétiques doivent être brûlés, mais que ce n’est pas contre la volonté de l’Esprit de le faire. Autrement dit, il est moralement acceptable de le faire.

Suite à la décision du Concile de Trente, le Pape Pie V publie un catéchisme officiel, d’une autorité inégalée parmi les catéchismes19. Au sujet du commandement « Vous ne tuerez point », le catéchisme dit :

Il est une autre espèce de meurtre qui est également permise, ce sont les homicides ordonnés par les magistrats qui ont droit de vie et de mort pour sévir contre les criminels que les tribunaux condamnent, et pour protéger les innocents. Quand donc ils remplissent leurs fonctions avec équité, non seulement ils ne sont point coupables de meurtre, mais au contraire ils observent très fidèlement la Loi de Dieu qui le défend. Le but de cette loi est en effet de veiller à la conservation de la vie des hommes, par conséquent les châtiments infligés par les magistrats, qui sont les vengeurs légitimes du crime, ne tendent qu’à mettre notre vie en sûreté, en réprimant l’audace et l’injustice par les supplices. C’est ce qui faisait dire à David: « Dès le matin je songeais à exterminer tous les coupables, pour retrancher de la cité de Dieu les artisans d’iniquité. »

Chapitre 33, I.

Cette position est réaffirmée sans faille et constamment par les papes qui lui succèderont jusque récemment20.

Le premier fléchissement palpable se situe après le concile Vatican II, en 1976, lorsque sous le pontificat de Paul VI, le Conseil pontifical Justice et Paix publie un document intitulé L’Église et la peine capitale. Ce document est dans l’ensemble assez négatif au sujet de la peine de mort. Toutefois, il ne l’est pas sur une base doctrinale mais circonstancielle. Il réaffirme en effet le droit qu’ont les magistrats à administrer cette peine : « la doctrine traditionnelle est que la peine de mort n’est pas contraire à la loi divine » ; et qu’il s’agit là de l’avis des théologiens chrétiens de toute l’histoire : « le fait que l’État dispose du droit de punir de mort a été tenu par l’Église pendant des siècles » et « l’Église n’a jamais condamné son usage par l’État ». Le document s’appuie sur la distinction entre droit de mettre à mort et usage de la peine de mort. La peine de mort n’est pas un mal moral, l’État dispose de ce droit, mais il est sage pour telle ou telle raison de ne pas en user. Cette position est un rejet de la peine de mort non pas sur un fondement doctrinal, comme par exemple ceux qui prétendent qu’elle est incompatible avec la dignité humaine mais sur un fondement circonstanciel : bien qu’on puisse en user, il est mieux de ne pas le faire. C’est ici la position que Jean-Paul II a soutenu ainsi que ses successeurs jusqu’à François21.

Jean-Paul II et ses successeurs

Il y a deux documents principaux qui viennent donner le diapason pour comprendre la direction prise par Jean-Paul II et ces successeurs. Il s’agit de la révision du Catéchisme sous son pontificat et de l’encyclique Evangelium Vitae. Je ne citerai que cette dernière puisqu’elle reprend les mots du Catéchisme :

Dans cette perspective se situe aussi la question de la peine de mort, à propos de laquelle on enregistre, dans l’Église comme dans la société civile, une tendance croissante à en réclamer une application très limitée voire même une totale abolition. Il faut replacer ce problème dans le cadre d’une justice pénale qui soit toujours plus conforme à la dignité de l’homme et donc, en dernière analyse, au dessein de Dieu sur l’homme et sur la société. En réalité, la peine que la société inflige « a pour premier effet de compenser le désordre introduit par la faute ». Les pouvoirs publics doivent servir face à la violation des droits personnels et sociaux, à travers l’imposition au coupable d’une expiation adéquate de la faute, condition pour être réadmis à jouir de sa liberté. En ce sens, l’autorité atteint aussi comme objectif de défendre l’ordre public et la sécurité des personnes, non sans apporter au coupable un stimulant et une aide pour se corriger et pour s’amender.

Précisément pour atteindre toutes ces finalités, il est clair que la mesure et la qualité de la peine doivent être attentivement évaluées et déterminées; elles ne doivent pas conduire à la mesure extrême de la suppression du coupable, si ce n’est en cas de nécessité absolue, lorsque la défense de la société ne peut être possible autrement. Aujourd’hui, cependant, à la suite d’une organisation toujours plus efficiente de l’institution pénale, ces cas sont désormais assez rares, si non même pratiquement inexistants.

Dans tous les cas, le principe indiqué dans le nouveau Catéchisme de l’Église catholique demeure valide, principe selon lequel « si les moyens non sanglants suffisent à défendre les vies humaines contre l’agresseur et à protéger l’ordre public et la sécurité des personnes, l’autorité s’en tiendra à ces moyens, parce que ceux-ci correspondent mieux aux conditions concrètes du bien commun et sont plus conformes à la dignité de la personne humaine ».

La position exprimée est sensiblement différente en pratique de celle exprimée par le reste de la tradition antérieure. Mais elle demeure en principe compatible : il s’agit de dire que, lorsqu’on le peut et dans le contexte d’une organisation plus efficiente de l’institution pénale, il est préférable de « mettre hors d’état de nuire » les criminels par un autre moyen que la peine de mort. L’avis de Jean-Paul II est que, de son temps, les situations nécessitant encore l’usage de la peine de mort sont pratiquement inexistantes. En principe, toutefois, il ne prétend pas que la peine de mort soit incompatible avec la dignité humaine, que les magistrats ne disposent pas de ce droit ou qu’elle soit moralement inadmissible. Le cardinal Ratzinger, lorsqu’il était encore préfet de la congrégation pour la doctrine de la foi, affirmait en effet au sujet d’Evangelium Vitae sur la peine de mort :

Dans mes discours durant la présentation de l’encyclique à la presse, j’ai cherché à élucider ces éléments, et j’ai noté l’importance de prendre en compte les considérations circonstancielles. C’est en ce sens que le Catéchisme peut être révisé, sans altérer, naturellement, les principes doctrinaux en question22.

Dans un memorandum au cardinal McCarrick en 2004, Ratzinger précise :

Bien que l’Église exhorte les autorités civiles […] à exercer de la prudence et de la miséricorde dans l’imposition d’une peine aux criminels, il demeure permis […] d’avoir recours à la peine capitale. Et il peut subsister une diversité d’opinion même parmi les catholiques sur […] l’application de la peine de mort.

En bref, la tradition chrétienne est unanime pendant des siècles sur le fait que la peine de mort est moralement permise, qu’elle est un droit des magistrats pour punir les criminels. Pendant des siècles, les chrétiens l’ont aussi approuvée en pratique. Plus récemment (après Vatican II), le catholicisme, tout en maintenant la possibilité en principe de pratiquer la peine de mort, a pris ses distances de plusieurs façons quant à la pratique de la peine de mort pour des raisons circonstancielles. Bien que cette tendance générale soit nouvelle en tant que tendance générale, ce n’est pas la première fois que des chrétiens dans l’histoire s’opposent en pratique et dans une circonstance particulière à la peine de mort. Augustin, qui reconnait que la peine de mort peut être juste et bonne dans certains cas, a plaidé une fois pour que des criminels ayant sévi contre deux chrétiens soient graciés, principalement en raison de la dureté des méthodes utilisées qui s’apparentaient à de la torture23. Les catholiques, puisqu’il s’agit d’un jugement sur les circonstances et non d’un jugement sur l’incompatibilité entre la peine de mort et la dignité humaine (dignité qui ne dépend pas des circonstances), étaient alors libres d’émettre un jugement différent sur ces mêmes circonstances.

Pour conclure sur un ton plus anecdotique ce survol, on dit que Giovanni Battista Bugatti exécuta 516 criminels entre 1796 et 1865, la plupart étaient des meurtriers. Qui était-il ? Le « bourreau » officiel des États pontificaux. Les peines étaient appliquées avec l’assentiment du pape et selon un rituel bien réglé incluant des prières et des exhortations à la repentance. La technique utilisée était celle du Mazzatello. Ce retour quelques siècles en arrière nous illustre combien cette pratique était acceptée et appliquée dans l’Église romaine24.

L’Écriture

Au risque de paraître simpliste, il nous faut être fidèles et, au milieu de toutes ces considérations historiques, nous poser la question « Que dit la Bible ? ». C’est en considération de la loi naturelle que j’ai évoquée, mais surtout de la norme divine révélée que nous devons considérer cette question. Autrement, je le crains, notre positionnement sur la peine de mort sera animé soit par des considérations vengeresses, motivées par l’horreur inspirée par le crime considéré ; soit par des considérations purement humanistes, considérant la sévérité de la peine et la nécessaire compassion envers l’homme, même criminel, corrompu par cette commune maladie du péché. Sur cette question que je ne ferai qu’effleurer, je renvois le lecteur à l’article de Paul Wells sur ce sujet25.

Genèse 9

Genèse 9 nous rapporte l’alliance conclue avec Noé après le déluge. Ce chapitre contient le fameux verset 6 « Celui qui verse le sang de l’homme, par l’homme son sang sera versé. Car Dieu a fait l’homme à son image. » Quelques précisions sont nécessaires pour bien comprendre la portée de ce qui est ici affirmé.

Premièrement, il s’agit bien d’une prescription de la peine de mort pour les meurtriers. Il est question dans le contexte de « réclamer le sang », ce qui ne manque pas de faire écho au langage autour du meurtre d’Abel. La dignité de l’homme à l’image de Dieu est telle que même l’animal se verra réclamer le sang d’un homme, ce que la loi de Moïse reprendra ; « Mais aussi, je réclamerai votre sang c’est-à-dire votre vie, je le réclamerai à tout animal ; et je réclamerai à chaque homme la vie de l’homme qui est son frère. » (verset 5)

Deuxièmement, la raison donnée est intemporelle : « car Dieu a fait l’homme à son image ». C’est cette raison qui nous élève au-dessus des considérations de vengeance personnelle ou de pitié humaniste. En vengeant le sang de l’homme, c’est avant tout la gloire de Dieu qui est considérée : c’est son image qui est insultée. L’homme est digne dans la mesure où il est à l’image de celui qui est digne au-delà de toute dignité.

Troisièmement, l’alliance avec Noé ne concerne pas une époque révolue, comme c’est le cas pour la dispensation mosaïque. La seule indication temporelle qui nous est donnée dans le contexte nous le confirme : « tant que la terre durera » (8,22). Dans l’Ancien Testament, l’idée que l’alliance avec Noé persiste est présent chez les prophètes (Jr 33,25, És 54,9-10). Et cela est raisonnable : pour que la rédemption ait lieu, il faut que les structures de la création soient préservées. Au sujet d’Ésaïe 43, Meredith Kline commente : « Ésaïe considère l’établissement de la royauté du créateur sur l’homme au commencement comme le prototype de l’établissement de l’alliance avec Israël plus tard26. » Loin d’abolir le principe présent en Genèse 9, le Christ le rappelle à ses disciples lorsqu’il affirme que celui qui prend l’épée doit périr par l’épée (Mt 26,52). Dans un sens bien plus profond encore, le Christ, à la croix, accepte de subir la peine de mort pour les fautes des autres. « Le christianisme […] est une religion fondée sur une peine de mort27. »

Quatrièmement, la peine de mort n’est prescrite que pour les meurtriers. Il n’est pas question ici des voleurs, des menteurs, des adultères ou de tout autre péché réprouvé par ailleurs dans la loi divine.

Romains 13

Romains 12,19 est un verset bien connu : ne vous vengez pas vous-mêmes, affirme-t-il, avant d’ajouter que la vengeance appartient au Seigneur. Mais il ne doit pas être déconnecté du chapitre suivant, qui nous explique comment le Seigneur exerce sa vengeance. En effet, le chapitre 13,1-7 nous affirme que l’autorité est établie par Dieu, qu’elle « ne possède pas en vain l’épée » étant « au service de Dieu pour montrer sa vengeance« . Les termes utilisés sont les mêmes en français comme un grec.

La solution donnée par Dieu pour ne pas laisser libre court à la vengeance des hommes, dans l’attente du jugement dernier où il exercera lui-même, par Jésus-Christ, son jugement parfait sur le monde, n’est pas de les appeler simplement à s’aimer. Dieu établit aussi des autorités qui possèdent l’épée nous dit ce texte. Et, bien qu’étant aujourd’hui éloignés du contexte de Paul, nous comprenons qu’une épée ne sert pas à caresser ! Il ajoute que lorsqu’elles utilisent cette épée avec justice, c’est la vengeance de Dieu qu’elles exercent et non la vengeance personnelle. Ce texte expose à la fois un droit et un devoir des autorités : elles possèdent l’épée, mais elles doivent la mettre au service de la justice et non d’une vengeance personnelle.

Caïn, le premier meutrier

Le cas de Caïn est particulier. En effet, il n’est pas tué pour avoir tué son frère. Mais comme le note Paul Wells, on ne saurait conclure à partir de ce récit particulier, où Dieu intervient positivement en protégeant Caïn d’un signe, contre la peine de mort. Cette protection se manifeste d’ailleurs en réponse à la conscience qu’a Caïn que son crime le rend susceptible de subir la vengeance (Gn 4.13). Il semble préférable de suivre l’option que propose Meredith Kline, selon laquelle il s’agit précisément d’un établissement anticipant celui de Genèse 9 :

Caïn venait tout juste d’entendre Dieu prononcer sur lui la sentence judiciaire de la malédiction que lui valait le meurtre de son frère. Et il répugne à l’idée d’une existence de fugitif dans ce qu’il supposait être un monde sauvage totalement dénué de loi. Caïn se plaint donc à Dieu de cette perspective insupportable d’un monde abandonné par Dieu à la terreur de l’anarchie, d’un monde dont le Juge de toute la terre aurait détourné le visage, qui ne porterait plus attention aux injustices galopantes ou aux appels à ce que justice soit rendue. Caïn déplore que, dans un tel monde sans loi ni ordre, il soit exposé à la vengeance effrénée de la famille humaine, dont chaque membre pourrait chercher à venger le sang de leur frère Abel (Gn 4,11-14).

Dieu répond à la plainte de Caïn en rectifiant sa supposition erronée que l’humanité allait désormais n’être sous le contrôle d’aucun système judiciaire formel. Le Seigneur s’est en fait saisi de l’occasion pour promulguer une ordonnance selon laquelle il y aurait parmi les hommes une administration de la justice voulue par Dieu. Dans le cadre de cet ordre judiciaire envisagé par Dieu, le meurtre en particulier devrait désormais être l’objet d’une vengeance entièrement sanctionnée par Dieu. Dans le langage de Genèse 4,15a, cela est formulé d’une manière appropriée à la circonstance du moment : « Si quelqu’un tue Caïn, Caïn sera vengé sept fois. » Le verset 15b réfère à cette déclaration divine comme à un engagement solennel pris par Dieu, un serment divin envers Caïn.

Ainsi, loin d’être un texte plaidant contre la peine de mort, ce texte doit être lu dans le contexte du reste du livre de la Genèse comme une disposition divine pour empêcher la vengeance personnelle et établir un ordre dans lequel la juste vengeance s’exerce de manière contrôlée et non anarchique. L’État est, comme en Genèse 9 et en Romains 13, une disposition temporaire et palliative de Dieu pour que le rejet de son autorité à la chute n’entraine pas un chaos total dans le monde des hommes.

Divers cas pourraient encore être abordés, comme les différents crimes punis de mort dans la loi de Moïse, qui manifestent que cette peine ne peut pas être incompatible avec la dignité humaine puisque, dans telle circonstance particulière, elle a été prescrite par Dieu. Un texte mérite une mention en passant : le moment où l’apôtre Paul est accusé par les Juifs devant le gouverneur Festus en Actes 25. En effet, bien qu’il nie être coupable des accusations portées contre lui, il affirme que certains actions sont dignes de mort et qu’il accepterait de mourir s’il en avait commises de telles :

Si j’ai des torts et si j’ai commis quelque action digne de mort, je ne refuse pas de mourir…

Actes 25.11a

Je pourrais aborder les différentes objections à la peine de mort, mais puisque cet article ne vise pas à être une défense de la peine de mort principalement mais une analyse de l’enseignement du magistère catholique romain sur ce sujet, je renvoie à l’article de Paul Wells cité ainsi qu’à notre série d’articles sur le pacifisme.

La révision du catéchisme

« L’Église catholique romaine condamne la peine de mort de génération en génération… depuis 2018. » C’est ainsi que résumait satiriquement Étienne Omnès la situation cocasse qu’a entrainé la révision du catéchisme romain, en songeant à la prétention à la continuité que nous offrent les apologètes romains.

Sans tarder, considérons ce que dit ce texte :

Pendant longtemps, le recours à la peine de mort de la part de l’autorité légitime, après un procès régulier, fut considéré comme une réponse adaptée à la gravité de certains délits, et un moyen acceptable, bien qu’extrême, pour la sauvegarde du bien commun.

Aujourd’hui on est de plus en plus conscient que la personne ne perd pas sa dignité, même après avoir commis des crimes très graves. En outre, s’est répandue une nouvelle compréhension du sens de sanctions pénales de la part de l’État. On a également mis au point des systèmes de détention plus efficaces pour garantir la sécurité à laquelle les citoyens ont droit, et qui n’enlèvent pas définitivement au coupable la possibilité de se repentir.

C’est pourquoi l’Église enseigne, à la lumière de l’Évangile, que « la peine de mort est inadmissible car elle attente à l’inviolabilité et à la dignité de la personne28 » et elle s’engage de façon déterminée, en vue de son abolition partout dans le monde.

On le voit, les raisons circonstancielles sont reprises (systèmes de détention plus efficaces) auxquelles sont ajoutées des raisons plus doctrinales (une nouvelle compréhension du sens des sanctions pénales) mais surtout, on trouve l’affirmation nouvelle que la peine de mort est inadmissible pour une raison doctrinale : la dignité de la personne. Notons que le catéchisme affirme qu’il s’agit d’un enseignement de l’Église et que celui-ci est délivré « à la lumière de l’Évangile ». Puisque le catéchisme ne rentre pas plus dans les détails et ne précise pas quelle est cette nouvelle compréhension des sanctions pénales, tournons-nous immédiatement vers Fratelli Tutti.

Fratelli tutti

« Ses mots ressemblent assez aux miens pour que j’en sois ému. » c’est la phrase prononcée par Jean-Luc Mélenchon, fidèle lecteur des encycliques, à l’égard de Fratelli Tutti. On imagine combien le contenu de cette encyclique a dû s’éloigner du christianisme historique pour s’attirer une telle faveur. Il y aurait beaucoup à dire sur cette « réflexion large et un peu décousue sur tout », selon les mots de Bradford Littlejohn. Mais voyons ce que ce texte dit sur la peine de mort :

263. Il est une autre façon d’éliminer l’autre, qui ne concerne pas les pays mais les personnes. C’est la peine de mort. Saint Jean-Paul II a affirmé de manière claire et ferme qu’elle est inadéquate sur le plan moral et n’est pas nécessaire sur le plan pénal29. Il n’est pas possible de penser revenir sur cette position. Aujourd’hui, nous disons clairement que « la peine de mort est inadmissible30 » et l’Église s’engage résolument à proposer qu’elle soit abolie dans le monde entier31.

264. Dans le Nouveau Testament, alors que l’on demande aux individus de ne pas se rendre justice eux-mêmes (cf. Rm 12,17-19), on reconnaît la nécessité que les autorités imposent des peines à ceux qui font le mal (cf. Rm 13, 4 ; 1 P 2,14). En effet, « la vie en commun, structurée autour de communautés organisées, a besoin de règles de coexistence dont la violation libre exige une réponse adaptée »32. Cela implique que l’autorité publique légitime peut et doit « infliger des peines proportionnées à la gravité des délits33 » et que « l’indépendance nécessaire dans le domaine de la loi34 » doit être garantie au pouvoir judiciaire.

265. Dès les premiers siècles de l’Église, certains se sont clairement déclarés contraires à la peine capitale. Par exemple, Lactance soutenait qu’« il ne fallait faire aucune distinction : tuer un homme sera toujours un crime35 ». À l’occasion d’un procès contre des meurtriers qui avaient assassiné deux prêtres, saint Augustin a demandé au juge de ne pas leur ôter la vie. Et il se justifiait ainsi : « Ce n’est pas que nous nous opposions à ce qui doit ôter aux méchants la liberté du crime, mais nous voulons qu’on leur laisse la vie et qu’on ne fasse subir à leur corps aucune mutilation ; il nous paraîtrait suffisant qu’une peine légale mît fin à leur agitation insensée et les aidât à retrouver le bon sens, ou qu’on les détournât du mal en les employant à quelque travail utile. Ce serait là aussi une condamnation ; mais qui ne comprend qu’un état où l’audace criminelle ne peut plus se donner carrière et où on laisse le temps au repentir, doit être appelé un bienfait plutôt qu’un supplice. […] Réprimez le mal sans oublier ce qui est dû à l’humanité ; que les atrocités des pécheurs ne soient pas pour vous une occasion de goûter le plaisir de la vengeance, mais qu’elles soient comme des blessures que vous preniez soin de guérir36]] ».

266. Les peurs et les rancunes conduisent facilement à une conception vindicative, voire cruelle, des peines, alors qu’elles doivent être comprises comme faisant partie d’un processus de guérison et de réinsertion dans la société. Aujourd’hui « aussi bien dans certains secteurs de la politique que dans certains moyens de communication, on incite parfois à la violence et à la vengeance, publique et privée, non seulement contre ceux qui sont responsables d’avoir commis des délits, mais aussi contre ceux sur lesquels retombe le soupçon, fondé ou non, d’avoir violé la loi. […] Il y a parfois la tendance à construire délibérément des ennemis : des figures stéréotypées, qui concentrent en elles-mêmes toutes les caractéristiques que la société perçoit ou interprète comme menaçantes. Les mécanismes de formation de ces images sont les mêmes qui, en leur temps, permirent l’expansion des idées racistes37 ». Cela a rendu particulièrement dangereuse l’habitude croissante, dans certains pays, de recourir à la prison préventive, à des incarcérations sans jugement et surtout à la peine de mort.

267. Je voudrais faire remarquer qu’« il est impossible d’imaginer qu’aujourd’hui les États ne puissent pas disposer d’un autre moyen que la peine capitale pour défendre la vie d’autres personnes contre un agresseur injuste ». Les exécutions dites extrajudiciaires ou extra-légales sont particulièrement graves ; elles sont « des meurtres délibérés commis par certains États et par leurs agents, souvent maquillés en affrontements avec des délinquants ou présentés comme des conséquences involontaires du recours raisonnable, nécessaire et proportionnel à la force pour faire appliquer la loi38 ».

268. « Les arguments contraires à la peine de mort sont nombreux et bien connus. L’Église en a opportunément souligné quelques-uns, comme la possibilité de l’existence de l’erreur judiciaire et l’usage qu’en font les régimes totalitaires et dictatoriaux qui l’utilisent comme instrument de suppression de la dissidence politique ou de persécution des minorités religieuses et culturelles, autant de victimes qui, selon leurs législations respectives, sont des “délinquants”. Tous les chrétiens et les hommes de bonne volonté sont donc appelés […] à lutter non seulement pour l’abolition de la peine de mort, légale ou illégale, et sous toutes ses formes, mais aussi afin d’améliorer les conditions carcérales, dans le respect de la dignité humaine des personnes privées de la liberté. Et cela, je le relie à la prison à perpétuité. […] La prison à perpétuité est une peine de mort cachée39 ».

269. Rappelons-nous que le meurtrier « garde sa dignité personnelle et Dieu lui-même s’en fait le garant40 ». Le rejet ferme de la peine de mort montre à quel point il est possible de reconnaître l’inaliénable dignité de tout être humain et d’accepter sa place dans cet univers. Étant donné que si je ne la nie pas au pire des criminels, je ne la nierai à personne, je donnerai à chacun la possibilité de partager avec moi cette planète malgré ce qui peut nous séparer.

270. J’invite les chrétiens qui doutent et qui sont tentés de céder face à la violence, quelle qu’en soit la forme, à se souvenir de cette annonce du livre d’Isaïe : « Ils briseront leurs épées pour en faire des socs » (2, 4). Pour nous, cette prophétie prend chair en Jésus-Christ, qui, face à un disciple gagné par la violence, disait avec fermeté : « Rengaine ton glaive ; car tous ceux qui prennent le glaive périront par le glaive » (Mt 26, 52). C’était un écho de cette ancienne mise en garde : « Je demanderai compte du sang de chacun de vous. Qui verse le sang de l’homme, par l’homme aura son sang versé » (Gn 9, 5-6). Cette réaction de Jésus jaillissant de son cœur traverse les siècles et parvient jusqu’au temps actuel comme un avertissement permanent.

François précise ici considérablement la révision du catéchisme. C’est bien sur un plan moral, selon lui, que la peine de mort est inadéquate, et non uniquement circonstanciel. Il prétend s’appuyer ici sur la tradition récente (Jean-Paul II) mais aussi plus ancienne (Augustin, Lactance, etc.) ainsi que sur l’Écriture (la prophétie d’Ésaïe, Genèse 9 et Matthieu 26 en particulier). Il énonce plusieurs arguments contre la peine de mort :

  1. Une raison doctrinale : il ne faut pas avoir une conception vindicative de la justice mais réhabilitative (« réinsertion », « guérison »). On comprend ici mieux quelle est cette nouvelle compréhension des peines dont parle le catéchisme. Quelle distance parcourue depuis Pie XII !
  2. Une raison circonstancielle : il est aujourd’hui impossible de penser que les États n’ont pas d’autres moyens efficaces.
  3. La possibilité de l’erreur judiciaire.
  4. La possibilité du mésusage de la peine de mort pour accomplir une vengeance personnelle ou faire avancer ses intérêts voire persécuter.
  5. Le meurtrier garde sa dignité et la peine de mort est inadmissible car elle y porte atteinte mais aussi la prison à perpétuité qui est une peine de mort cachée !

Critique réformée

Après cette longue mise en contexte de l’encyclique, je suis en mesure d’offrir une quadruple critique de Fratelli tutti et de l’enseignement du magistère romain sur cette question. J’offrirai une critique (1) sur l’usage de la tradition, (2) sur l’usage de l’Écriture, (3) sur l’argument pour une justice réhabilitative et (4) sur les différentes réactions des papistes pour rendre compte de cette contradiction.

Sur l’usage de la tradition

La section considérée contient 12 citations, 5 sont des citations de discours de François, 3 sont des citations de Jean-Paul II, 3 sont des citations des Pères mentionnés et une citation du Conseil pontifical Justice et Paix mentionné plus haut dans l’article. Si François prétend s’inscrire dans une longue tradition, force est de constater qu’il fait principalement référence à des déclarations récentes et majoritairement aux siennes (cette tendance se reflète dans toute l’encyclique où 62 % des citations sont des citations d’autres discours de François41). Toutefois, il revendique un appui dans la tradition qu’il convient de critiquer à la lumière de notre survol.

Lactance

Premièrement, la citation de Lactance représente malhonnêtement son avis, puisque comme je l’ai montré, celui-ci considère que c’est un mal que de ne pas appliquer la peine aux coupables et qu’il est juste que la peine de mort soit appliquée aux criminels. Lors donc qu’il dit que tuer un homme est toujours un crime, la peine de mort est évidemment exclue. En effet, il aborde dans le contexte les jeux des gladiateurs42 et l’infanticide 43 ainsi que la pratique antique de l’exposition d’enfants. Il défend l’accusation capitale, qui revient à tuer par la langue en accusant faussement d’un crime. L’affirmation « ainsi la défense que Dieu a faite de tuer ne souffre point d’exception » est donc à comprendre dans ce contexte et à la lumière des autres textes où Lactance considère qu’il est juste de mettre à mort les coupables.

Le pape Nicolas Ier

Pour ce qui est du pape Nicolas Ier, le texte cité fait partie d’une réponse qu’il donne au prince bulgare Boris. Le prince Boris avait posé quatre questions au pape44 :

  1. Le prince peut-il exercer un jugement dans les affaires criminelles ?
  2. Les coupables peuvent-ils être condamnés durant le Carême ou une fête sainte ?
  3. La torture est-elle licite pour tirer une confession d’un coupable présumé ?
  4. Quelle est la procédure adaptée pour prêter serment ?

Le droit pour le coupable de chercher refuge dans une église est aussi abordé.

C’est au chapitre XXV, alors que le pape répond au prince au sujet d’une « coutume de [leur] pays » qui consistait à punir de mort les gardes-frontières qui auraient laissé fuir un esclave ou un homme libre, que la phrase citée par l’encyclique apparaît. On ne saurait y lire une exhortation générale à ne pas appliquer la peine de mort puisque quelques lignes plus haut, au chapitre XXIV, le pape Nicolas approuve la peine prescrite par les lois de l’époque pour celui qui aurait tué son père, sa mère, son frère ou sa sœur. Au chapitre XII, alors qu’il répond à la deuxième question de la liste ci-dessus, il affirme qu’en dehors des fêtes chrétiennes (et du Carême qu’il aborde plus tard), on peut légitimement tuer un coupable. Au chapitre suivant celui de notre citation, il répète : « En ce qui concerne ceux qui ont massacré leur parent, c’est-à-dire une personne liée par le sang comme un frère, un cousin ou un petit-fils, que les lois vénérables gardent leur force. » Il étend cette peine à celui qui tue son compagnon (socius) au chapitre XXVII puis aux adultères, incestueux, voleurs de bétail et autres criminels dans les chapitres suivants. Il préconise toutefois de s’en remettre au jugement du prêtre du lieu au cas où un tel coupable viendrait chercher refuge dans une église et implorer le pardon. Introduire une telle citation par l’affirmation « Dès les premiers siècles de l’Église, certains se sont clairement déclarés opposés à la peine capitale » est donc pour le moins malhonnête.

Augustin

Augustin, comme je l’ai dit plus haut, plaide effectivement pour que des meurtriers qui avaient assassinés deux chrétiens soient graciés. Dans une autre lettre, non citée par François, il exhorte un proconsul en ces termes : « oubliez que vous avez le pouvoir de faire mourir ». Il traite ici de la mise à mort, non pas de meurtriers, mais des hérétiques donatistes. Les raisons qu’il invoque pour ne pas les mettre à mort sont les suivantes :

[V]otre sagesse remarquera qu’il appartient aux ecclésiastiques seuls de vous saisir de causes ecclésiastiques. Si donc en ces matières vous croyez devoir prononcer des condamnations à mort, vous nous empêcheriez de soumettre à votre justice des affaires de ce genre.

AUGUSTIN, Lettre C à Donat.

Puisque l’Église vise la conversion de ces hérétiques et non leur destruction, celle-ci sera tentée de ne plus les signaler à l’autorité civile si elle sait que leur mort s’ensuivra nécessairement.

Nous craignons une seule chose dans votre justice, c’est qu’en considérant combien les violences commises par l’impiété et l’ingratitude contre la société chrétienne l’emportent en gravité et en atrocité sur les violences qui se commettent envers les autres hommes, vous ne vous préoccupiez peut-être, dans la répression, que de l’énormité des crimes et non pas de la mansuétude de notre religion : nous vous conjurons, au nom de Jésus-Christ, de n’en rien faire.

La recommandation d’Augustin ne consiste pas à dire que la peine de mort est illégitime, même pour les hérétiques, mais qu’il faut avant tout agir avec mansuétude dans ce domaine.

Honorable et bien-aimé fils, ne regardez pas comme quelque chose de petit et de méprisable cette prière que nous vous adressons pour que vous ne mettiez pas à mort ceux dont nous demandons à Dieu la conversion.

Mais Augustin craint aussi qu’en mettant à mort les donatistes, on les endurcisse dans l’idée qu’ils sont des martyrs, persécutés pour la justice :

Mais vous nous aiderez beaucoup dans nos travaux et nos dangers, et vous les empêcherez d’être stériles, si vous n’appliquez pas à la répression de cette vaine et orgueilleuse secte les lois impériales, de façon à lui laisser croire qu’elle souffre pour la vérité et la justice.

Les recommandations d’Augustin sont émouvantes, dans le contexte de cette controverse où il eut tant à faire. On perçoit son cœur de pasteur qui, bien que disposant du pouvoir civil pour lui, ne cherche pas à l’utiliser sans modération pour établir la saine doctrine mais combat avant tout avec des armes spirituelles jusqu’à, l’histoire nous l’apprend, remporter la lutte.

Analyser cette lettre est utile pour comprendre celle à laquelle Fratelli tutti fait référence et dans laquelle, je le disais, Augustin plaide pour la grâce envers les meurtriers de ces deux croyants. En effet, il s’avère que ces meurtriers sont donatistes. Voici ce que dit Augustin dans les lignes précédant immédiatement le passage cité dans l’encyclique :

Quoique nous puissions ne pas nous reprocher la mort de ces donatistes, puisqu’ils n’ont point été dénoncés par les nôtres, mais par les magistrats chargés de veiller à la tranquillité publique, toutefois nous ne voulons pas de ce qui ressemblerait à la loi du talion pour venger les souffrances des serviteurs de Dieu.

Ainsi, c’est dans ce contexte, ainsi qu’à la lumière de l’inquiétude qu’avait Augustin qu’un innocent ne meure de la torture appliquée pour faire avouer le crime, qu’il faut comprendre ces déclarations. Mais à la lumière de ces autres déclarations où il affirme nettement que la peine de mort est juste, à la lumière de sa théorie de la guerre juste et de sa théologie plus large de la justice, il est là encore tout simplement malhonnête de le lister comme quelqu’un s’étant « clairement déclaré contraire à la peine capitale ».

Les trois appuis que François pense avoir discernés dans la tradition ne tiennent pas, après examen. Lactance ne fait que dire que toute forme de meurtre est répréhensible, Nicolas que telle coutume légale n’est pas bonne et Augustin qu’il faut préférer ne pas tuer les donatistes. Mais les trois affirment clairement que le magistrat dispose de ce pouvoir et qu’il est juste de l’appliquer dans certains cas. Ils n’appuient certainement pas l’idée que la peine de mort est moralement inadmissible parce qu’elle porte atteinte à la dignité de l’homme.

La tradition récente

Jean-Paul II et les autres textes plus récents du Magistère sont certainement invoqués avec plus de raison par François, mais il est faux de prétendre que ceux-ci rejettent la peine de mort sur un plan moral. Comme nous l’avons vu, ce sont des considérations circonstancielles qui ont poussé Jean-Paul II à s’opposer à la peine de mort. Et comme le disait Ratzinger, il était possible pour un catholique d’en juger différemment. François affirme ici au contraire qu’il n’est pas concevable de revenir sur cette position et que tous les chrétiens et les hommes de bonne volonté doivent s’engager pour l’abolition de la peine de mort45. Cette formule astucieuse laisse penser qu’il s’inscrit dans la continuité d’une position bien établie et que ceux qui défendent la peine de mort sont les novateurs qui voudraient que l’Église revienne sur sa position. Or c’est exactement l’inverse qui est vrai !

Sur l’usage de l’Écriture

Le pape François réaffirme avec raison que l’Écriture condamne la vengeance personnelle et que des autorités disposent du droit d’infliger des peines. Il ne revient sur les Écritures qu’au paragraphe 270. Dans celui-ci, il invoque une prophétie d’Ésaïe, affirmant avec raison qu’elle s’accomplit en Jésus-Christ. Puis il la met confusément en lien avec les passages de Matthieu et Genèse que nous avons analysé plus haut. Utiliser ces passages clés, qui établissent que celui qui verse le sang devra être puni par son sang versé pour argumenter contre la peine de mort est pour le moins osé !

L’appel de Jésus-Christ à ne pas prendre l’épée, rappelant que celui qui le fait devra connaître lui aussi l’épée est de façon évidente une condamnation de la vengeance personnelle et non une négation du fait que les autorités portent l’épée ! L’usage qui est fait des Écritures est aussi malhonnête que celui de la tradition.

Sur l’argument pour une justice réparatrice

Ce qui devrait troubler plus encore, à mon avis, dans cette encyclique, c’est le rejet d’une compréhension rétributive de la justice, maladroitement assimilée à la vengeance et la cruauté, pour une compréhension prétendument plus humaine de « guérison » et de « réinsertion » comme buts principaux de la justice. Il est vrai que ces éléments peuvent être accomplis par la justice, mais ce ne sont pas eux qui guident le choix des peines pour chaque crime mais les principes de proportionnalité et de rétribution.

Dans un texte traduit sur ce blog, C.S. Lewis présente déjà au sujet de la peine de mort cette compréhension humaniste de la justice :

Selon la théorie humanitaire, punir un homme parce qu’il le mérite, et autant qu’il le mérite, est une simple vengeance, et donc barbare et immorale. Il est avancé que les seuls motifs légitimes de punition sont le désir de dissuader les autres par l’exemple ou de réparer le criminel.

Avec son esprit perçant, Lewis discerne toute la dangerosité et l’injustice qu’entraine une telle compréhension de la justice :

Je soutiens que cette doctrine, aussi clémente qu’elle puisse paraître, signifie en réalité que chacun d’entre nous, dès le moment où il enfreint la loi, est privé des droits d’un être humain.

La raison en est la suivante. La théorie humanitaire enlève au châtiment le concept de mérite. Mais le concept de mérite est le seul lien de connexion entre la punition et la justice. Ce n’est que lorsqu’elle est méritée ou non méritée qu’une peine peut être juste ou injuste. Je ne prétends pas ici que la question « est-elle méritée ? » est la seule que l’on puisse raisonnablement poser à propos d’une punition. Nous pouvons très bien nous demander si elle est susceptible de dissuader les autres et de réformer le criminel. Mais aucune de ces deux dernières questions n’est une question de justice. Il est inutile de parler d’une « juste dissuasion » ou d’un « juste remède ». Nous exigeons de la dissuasion non pas qu’elle soit juste, mais qu’elle ait un effet dissuasif. Nous exigeons d’un remède non pas qu’il soit juste, mais qu’il réussisse. Ainsi, lorsque nous cessons de considérer ce que le criminel mérite et que nous ne considérons que ce qui le guérira ou dissuadera les autres, nous le retirons tacitement de la sphère de la justice ; au lieu d’une personne, un sujet de droit, nous avons maintenant un simple objet, un patient, un « cas ».

Pour Lewis, une telle compréhension de la justice conduirait non seulement à des peines injustes, mais à une déconnection de toute notion de justice dans le système pénal :

La distinction sera plus claire si l’on demande qui sera qualifié pour déterminer les peines si celles-ci ne sont plus considérées comme fondées sur les mérites du criminel. Selon l’ancienne conception, le problème de la fixation de la bonne peine était un problème moral. En conséquence, le juge qui la décidait était une personne formée à la jurisprudence, c’est-à-dire à une science qui traite des droits et des devoirs, et qui, à l’origine du moins, acceptait consciemment les conseils de la loi de la Nature et des Écritures. Nous devons admettre que, dans le code pénal actuel de la plupart des pays, ces grands principes ont été, la plupart du temps, tellement modifiés par les coutumes locales, les intérêts de classe et les concessions utilitaires, qu’ils sont très imparfaitement reconnaissables. Mais le code n’a jamais été en principe, et ne l’est toujours pas en fait, hors du contrôle de la conscience de la société. Et lorsque (par exemple, dans l’Angleterre du XVIIIe siècle) les peines réelles entraient trop violemment en conflit avec le sens moral de la communauté, les jurys refusaient de condamner et une réforme était finalement mise en place. Cela a été possible parce que, tant que nous pensons en termes de mérite, la justice du code pénal, étant une question morale, est une question sur laquelle tout homme a le droit d’avoir une opinion, non pas parce qu’il suit telle ou telle profession, mais parce qu’il est simplement un homme, un animal rationnel jouissant de la lumière naturelle. Mais tout cela change lorsqu’on renonce au concept de mérite. Les deux seules questions que nous pouvons maintenant nous poser à propos d’une punition sont de savoir si elle dissuade et si elle guérit. Mais ce ne sont pas des questions sur lesquelles chacun a le droit d’avoir une opinion simplement parce qu’il est un homme. Il n’a pas le droit d’avoir une opinion même si, en plus d’être un homme, il se trouve être un juriste, un chrétien et un théologien moral. Car il ne s’agit pas d’une question de principe, mais d’une question de fait ; et à ce sujet cuiquam in sua arte credendum. Seul le « pénologue » expert (que les choses barbares aient des noms barbares), à la lumière d’une expérience antérieure, peut nous dire ce qui est susceptible de dissuader : seul le psychothérapeute peut nous dire ce qui est susceptible de guérir. Il sera vain pour le reste d’entre nous, parlant simplement comme des hommes, de dire : « mais cette punition est hideusement injuste, hideusement disproportionnée par rapport aux mérites du criminel ». Les experts, parfaitement logiques, répondront : « Mais personne ici ne parle de mérites. Personne ne parle de punition dans votre sens archaïque et vindicatif du terme. Voici les statistiques qui prouvent que ce traitement est dissuasif. Voici les statistiques prouvant que cet autre traitement guérit. Quel est votre problème ?»

Il n’est pas nécessaire de reproduire tout l’éloquent argumentaire du philosophe anglican, mais je vous invite à le consulter.

Sur les justifications des papistes à cette contradiction

Face à la révision du catéchisme et plus encore après la publication de Fratelli tutti, les théologiens catholiques ont tenté de diverses manières d’expliquer la situation.

  • Certains, peut-être plus progressistes, ont voulu harmoniser la tradition chrétienne avec la nouvelle position du Magistère affirmant que les circonstances différentes expliquent les conclusions différentes46.
  • D’autres, dans la même direction, ont franchement salué cette prise de position et désavoué la tradition chrétienne sur ce sujet. Ils affirment alors que les enseignements traditionnels n’étaient pas « définitifs » et donc susceptibles d’être corrigés47.
  • D’autres encore, de moins en moins nombreux, ont voulu proposer une lecture orthodoxe du catéchisme et de l’encyclique. Il s’agit d’expliquer que François ne condamne pas vraiment la peine de mort de telle manière qu’il contredise la tradition48. Cette interprétation implique de fermer les yeux sur le sens que François donne lui-même à son opposition à la peine de mort dans ses discours : « On doit affirmer avec force que la condamnation à la peine de mort est une mesure inhumaine qui blesse la dignité personnelle, quel que soit son mode opératoire. En décidant volontairement de supprimer une vie humaine, toujours sacrée aux yeux du Créateur et dont Dieu est en dernière analyse le véritable juge et le garant, elle est par elle-même contraire à l’Evangile. Jamais, aucun homme « pas même le meurtrier ne perd sa dignité personnelle »49, car Dieu est un Père qui attend toujours le retour du fils qui, conscient de ses erreurs, demande pardon et commence une nouvelle vie. Ce n’est donc à personne que peut être enlevée non seulement la vie, mais la possibilité d’un remords moral et existentiel, qui le réintègre dans la communauté.50 »
  • D’autres, enfin, principalement parmi les catholiques conservateurs, ont tout simplement rejeté cet enseignement51. Pour pouvoir faire cela, ils proposent que Fratelli Tutti et le catéchisme ne relevant que du Magistère ordinaire de l’Église, le croyant n’est pas contraint d’adhérer à son contenu et le théologien peut, avec respect, prendre la liberté d’écarter cette conclusion. Seules les déclarations ex cathedra lieraient ainsi les consciences52.

Certains ont compilé plusieurs de ces explications. Trent Horn, par exemple, qui discute de ce sujet avant la publication de Fratelli Tutti mais après la modification du catéchisme, joue à la fois sur le fait que le catéchisme n’est pas infaillible, sur le fait que des circonstances différentes expliquent des enseignements différents et sur le fait que le catéchisme ne changerait finalement pas l’enseignement traditionnel mais en serait un développement légitime53. Les deux premières options étant nettement progressistes et la troisième peu crédible54, il convient d’examiner si la dernière ne pose pas quelques soucis.

Humani generis — Pie XII : les papistes sont-ils libres de rejeter l’enseignement d’une encyclique ?

La dernière solution est assez astucieuse et permet aux conservateurs de survivre en bonne conscience dans l’Église romaine contemporaine et de naviguer entre les récents textes progressistes du magistère actuel. Mais, ce faisant, ils adoptent précisément la posture que les progressistes avaient il y a quelques décennies. Ils cherchaient en effet à éviter les textes trop conservateurs en se réfugiant derrière l’idée que ces textes ne remplissaient pas les conditions propres à exiger l’assentiment et à faire taire les débats55. Face à cette manœuvre des progressistes, le pape Pie XII, dans son encyclique Humani generis a tenu à affirmer ce qui suit :

Ce qu’exposent les encycliques des pontifes romains sur le caractère et la constitution de l’Eglise est, de façon habituelle et délibérée, négligé par certains dans le but très précis de faire prévaloir une notion vague qu’ils nous disent puisée chez les anciens Pères et surtout chez les Grecs. À les entendre, les Pontifes, en effet, n’auraient jamais dessein de se prononcer sur les questions débattues entre théologiens ; aussi le devoir s’impose à tous de revenir aux sources primitives et aussi d’expliquer les constitutions et décrets plus récents du magistère selon les textes des anciens. Tout cela semble dit de façon très habile, mais tout cela est faux en réalité. Car s’il est exact que, en général, les pontifes laissent la liberté aux théologiens dans les matières où les docteurs du meilleur renom professent des opinions différentes, l’histoire pourtant nous apprend que bien des choses laissées d’abord à la libre discussion ne peuvent plus dans la suite souffrir aucune discussion.

Et l’on ne doit pas penser que ce qui est proposé dans les lettres encycliques n’exige pas de soi l’assentiment, sous le prétexte que les Papes n’y exerceraient pas le pouvoir suprême de leur magistère. C’est bien, en effet, du magistère ordinaire que relève cet enseignement et pour ce magistère vaut aussi la parole : « Qui vous écoute, m’écoute… », et le plus souvent ce qui est proposé et imposé dans les encycliques appartient depuis longtemps d’ailleurs à la doctrine catholique. Que si dans leurs Actes, les Souverains Pontifes portent à dessein un jugement sur une question jusqu’alors disputée, il apparaît donc à tous que, conformément à l’esprit et à la volonté de ces mêmes Pontifes, cette question ne peut plus être tenue pour une question libre entre théologiens.

Il ajoute, plus loin :

Dieu a donné à son Église, en même temps que les sources sacrées, un magistère vivant pour éclairer et pour dégager ce qui n’est contenu qu’obscurément et comme implicitement dans le dépôt de la foi. Et ce dépôt, ce n’est ni à chaque fidèle, ni même aux théologiens que le Christ l’a confié pour en assurer l’interprétation authentique, mais au seul magistère de l’Église. Or si l’Église exerce sa charge, comme cela est arrivé tant de fois au cours des siècles, par la voie ordinaire ou par la voie extraordinaire, il est évident qu’il est d’une méthode absolument fausse d’expliquer le clair par l’obscur, disons bien qu’il est nécessaire que tous s’astreignent à suivre l’ordre inverse. 

Pour Pie XII, donc, les encycliques des souverains pontifes exigent de soi l’assentiment et la cessation des débats entre théologiens sur le sujet traité comme question libre56. On ne peut objecter qu’il n’est question ici que du magistère ordinaire pour refuser l’enseignement des encycliques car ce magistère est aussi revêtu de l’autorité divine de telle façon que lorsqu’il parle, Dieu parle. Pie XII ajoute que la tradition ne peut pas non plus être opposée aux textes du magistère actuel car celle-ci est obscure en comparaison. Or, l’obscur doit être interprété à la lumière du clair. Le rôle du théologien est « montrer de quelle manière ce qui est enseigné par le magistère vivant est explicitement ou implicitement trouvé dans la Sainte Écriture et la divine tradition », dit Pie XII en citant Inter gravissimas de son prédécesseur Pie IX. Notons bien ce qui est préconisé : le magistère vivant, c’est-à-dire actuel, prime en raison de sa clarté. Le théologien doit bien revenir aux sources de la foi57, mais pour y chercher les enseignements actuels du Magistère, qu’ils y soient implicitement ou explicitement58.

Certains tentent d’échapper à l’exigence d’assentiment envers Fratelli tutti en avançant que ce texte n’a pas l’intention de se prononcer de manière définitive sur cette doctrine. Cela semble bien peu rigoureux, puisque François affirme qu’il n’est pas concevable de revenir sur ce qu’il affirme. Mais surtout, ce n’est pas ainsi que la soumission et l’assentiment ont été compris dans le catholicisme traditionnel. En effet, la profession de foi exigée dans certains cas listés dans le droit canon à partir de mars 1989 comporte en conclusion :

De plus, avec une soumission religieuse de la volonté et de l’intelligence, j’adhère aux doctrines qui sont énoncées, soit par le Pontife romain, soit par le Collège des évêques, lorsqu’ils exercent le Magistère authentique, même s’ils n’ont pas l’intention de les proclamer par un acte définitif.

Il semblerait donc que la dernière solution adoptée par les catholiques conservateurs ne soit pas sans difficultés59. Elle les place dans la position des progressistes d’hier et les pousse à ne pas donner leur assentiment à une encyclique, texte dont la nature exige l’assentiment selon Pie XII. Mais comment se résoudre à donner son assentiment à une encyclique si contraire à l’enseignement clair et constant des Écritures et de la tradition chrétienne ? Ce n’est pas à moi d’y répondre. Les réformés, en effet, ont jugé que s’il fallait interpréter le plus obscur à la lumière du plus clair, alors il faut rejeter non seulement cette innovation doctrinale mais bien d’autres encore. Voyons quels sont les catholiques qui vivront selon leurs propres principes et quels sont ceux qui, en pratique, agiront comme les réformés à un degré moindre. Pour ces derniers et pour les protestants attirés par les prétentions de solidité qu’offre Rome, je ne peux que les inviter à une cohérence plus grande et à se joindre à nous, en considérant les mots de Bradford Littlejohn sur cette encyclique qui exhorteront aussi ceux qui ont déjà rejoint la Réforme :

Il est inutile de préciser, pour conclure, que ces dernières sections devraient couper l’herbe sous le pied de tout protestant hésitant qui rêve de trouver à Rome un rocher doctrinal intemporel à l’abri de l’acide de la modernité, une forteresse d’autorité protégée des vents du jugement privé. C’est en effet une ironie amère qu’aujourd’hui, des protestants se tournent régulièrement vers Rome parce qu’elle prétend offrir un enseignement immuable et certain, alors que c’est précisément le caractère changeant et incertain de la doctrine définie par le fiat papal qui a conduit les Réformateurs à rejeter ce magistère chancelant. Pourtant, ce n’est guère le moment pour les protestants évangéliques de ricaner dans leurs barbes à propos des folies de la papauté actuelle, puisqu’il s’agit simplement des mêmes folies qui infiltrent nos propres rangs, mais amplifiées à une échelle telle qu’il est impossible de les ignorer. L’abandon du discernement et du dur labeur auquel il nous appelle, la naïveté qui pense que tous les problèmes peuvent être résolus avec plus d' »ouverture », la peur d’être taxé de jugement et de manque d’amour, sont monnaie courante dans nos propres rangs également. Face à de telles pressions, nous devons nous rappeler que Dieu nous appelle à aimer non seulement de tout notre cœur, mais aussi de tout notre esprit, et que nous, qui serons un jour appelés à juger les anges, ne pouvons pas nous soustraire à la tâche de juger aujourd’hui.

Mais ne croyons pas non plus que l’option « progressiste », qui vise à dire que les Pères ont fait erreur sur ce sujet serait sans difficulté. Comme le dit si bien Feser, écrivant en 2017 (soit avant la modification du catéchisme et la publication de l’encyclique) pour répondre à ceux qui déjà parmi les catholiques attaquaient la légitimité morale de la peine de mort : « Si la peine capitale était réellement, en fin de compte, toujours et intrinsèquement immorale, cela indiquerait une faille massive du magistère ordinaire de l’Église pendant ces deux derniers millénaires et jetterait ainsi le doute sur sa fiabilité générale60. » Le pape Pie IX, dans Tuas liberter, une lettre à l’archevêque de Munich-Freising, rappelle en effet que les théologiens catholiques doivent donner leur assentiment à ce qui est enseigné, même ordinairement, de manière constante et universelle par les docteurs de l’Église :

En leur donnant les éloges qui leur sont dus pour avoir confessé une vérité qui découle nécessairement de l’obligation de professer la foi catholique, Nous aimons à nous persuader qu’ils n’ont pas entendu restreindre ce devoir de soumission qui lie strictement les professeurs et les écrivains catholiques, aux seuls points définis par le jugement infaillible de l’Église comme dogmes de foi, que tous doivent croire. Et Nous nous persuadons qu’ils n’ont pas voulu déclarer que cette parfaite adhésion aux vérités révélées, qu’ils ont reconnue être tout à fait nécessaire au véritable progrès des sciences et à la réfutation des erreurs, pourrait être obtenue si la foi et l’obéissance étaient seulement accordées aux dogme expressément définis par l’Église. Quand même il ne s’agirait que de la soumission due à la foi divine, on ne pourrait pas la restreindre aux seuls points définis par des décrets exprès des Conciles œcuméniques, ou des Pontifes romains et de ce Siège apostolique ; il faudrait encore l’étendre à tout ce qui est transmis, comme divinement révélé, par le corps enseignant ordinaire de toute l’Église dispersée dans l’univers, et que pour cette raison les théologiens catholiques, d’un consentement universel et constant, regardent comme appartenant à la foi.

Autrement dit, les conservateurs ne peuvent pas s’appuyer sur le fait que Fratelli tutti est une encyclique et non un texte ex cathedra pour ne pas donner leur assentiment mais les progressistes non plus ne peuvent pas répliquer à la tradition qu’aucun de ces textes n’est revêtu de l’infaillibilité61. En effet, l’indéfectibilité de l’Église implique que tous les docteurs ne peuvent pas avoir erré de manière constante et universelle sur un tel sujet. Si, d’ailleurs, toute la tradition pouvait errer pendant si longtemps, qu’est-ce qui nous assure qu’elle n’erre pas non plus maintenant qu’elle adopte une nouvelle position ? Mais toute la difficulté réside précisément dans le fait qu’il est fort clair que Fratelli tutti condamne la peine de mort sur un plan doctrinal et que la tradition la soutient universellement sur ce plan. Ce n’est évidemment pas le seul sujet sur lequel François en particulier et ses prédécesseurs les plus récents dans une moindre mesure ont introduit une tension supportant difficilement les harmonisations62.

Conclusion : l’isolement croissant des « vrais catholiques »

L’Église romaine prend une pente progressiste. Ce n’est pas nouveau, cela ne concerne pas un unique sujet isolé, cela ne se limite pas à quelques membres ou théologiens. Les progressistes ne faisant l’objet d’aucune mesure disciplinaire et étant désormais même de plus en plus appuyés depuis le sommet de la hiérarchie romaine, il n’y a pas de raison qu’il en soit autrement. Ce faisant, les catholiques conservateurs sont amenés à nous expliquer que le catholicisme réel, contemporain, n’est pas le vrai catholicisme, que ces catholiques pourtant en bon terme avec le magistère, exerçant des charges importantes dans le monde catholique ou étant membres du clergé ne sont pas les dignes représentants du vrai catholicisme. Ce sont eux, les conservateurs, contre la tendance actuelle, contre les dernières encycliques, contre le magistère actuel, qui sont les interprètes fidèles de la Tradition et des Écritures. Ce faisant, les « vrais catholiques », selon cette définition, forment un groupe de plus en plus isolé au sein du catholicisme contemporain.

Ce phénomène d’isolement croissant, c’est ce qui nous apparaitra de plus en plus clairement tout au long de cette série alors que nous passerons en revue les conclusions du Synode sur la Famille quant aux divorcés, les recommandations pastorales d’Amoris lætitia sur la communion, la vision écologique (écologiste) de Laudato si’ et d’autres thèmes majeurs du pontificat de François.

L’idée que la doctrine se développe, qui est légitime dans ses justes proportions, connait une histoire particulièrement troublante dans le catholicisme contemporain. Une chose tout d’abord approuvée en doctrine comme en pratique est ensuite réprouvée uniquement en pratique pour finir par l’être en doctrine. Mais ces changements s’étendent sur un temps si long que le changement est imperceptible pour la masse des fidèles. Qui, en effet, s’émeut de ce nouvel enseignement sur la peine de mort ? Edward Feser, quelques cardinaux conservateurs, des passionnés de théologie morale, un certain nombre de spécialistes… Bref, une petite minorité de catholiques. Pour l’écrasante majorité des fidèles, cette modification est soit saluée63, soit indolore, soit vite oubliée. On finira par penser que le catholicisme s’oppose de longue date à la peine de mort et que c’est là la vraie doctrine catholique (c’est en fait déjà le cas64).

Il est tentant de faire le parallèle avec d’autres questions qui semblent suivre le même chemin. L’homosexualité est encore nettement condamnée. Mais en pratique, des prêtres et évêques pratiquent des célébrations d’union homosexuelles sans faire l’objet d’aucune mesure disciplinaire65 ; des homosexuels notoires sont nommés à des commissions pontificales ; des défenseurs acharnés de l’idéologie LGBT sont choisis comme cardinaux ou consultant au Saint-Siège66 ; des livres et ministères adhérant à cette idéologie font surface (toujours sans aucune discipline) ; des intervenants progressistes sont choisis sur ce sujet par le Saint-Siège pour donner des conférences ; des universités et associations majeures signent des déclarations progressistes67 ; des évêques appellent à un changement… du catéchisme ! Ce changement en pratique conduira-t-il à un changement doctrinal, justifié auprès des conservateurs par le motif qu’aucune déclaration infaillible n’avait encore été faite sur ce sujet (et, en effet, l’homosexualité n’a pas été condamnée plus fortement que la peine de mort a été approuvée) ? L’avenir le dira. Mais j’implore ceux qui me lisent et qui crient aujourd’hui « jamais ! » de se souvenir de cet article quand ces choses arriveront car la tentation sera alors grande de tenter à nouveau l’éternel jeu des quatre solutions face à une contradiction. Ma prière est en effet que les catholiques romains ouvrent les yeux sur l’impasse dans laquelle cet organe magistériel illégitime les mène. Je compte en effet suivre de près et commenter d’autres textes du pontificat de François, non par plaisir de voir le progressisme gagner du terrain mais dans l’espoir que ces éléments réveillent les esprits.

Certains pensent peut-être que je fais grand cas d’une petite question, je les laisse méditer ces mots du cardinal Dulles, écrits en 2004 :

Le renversement d’une doctrine aussi bien établie que la légitimité de la peine capitale soulèverait de sérieux problèmes quant à la crédibilité du magistère. La cohérence avec l’Écriture et la tradition catholique de longue date est importante pour le fondement de nombreux enseignements actuels de l’Église catholique ; par exemple, ceux concernant l’avortement, la contraception, la permanence du mariage et l’inéligibilité des femmes à l’ordination sacerdotale. Si la tradition sur la peine capitale pouvait être renversée, de sérieuses questions seraient soulevées concernant d’autres doctrines…

Dulles, “Catholic Teaching on the Death Penalty : Has It Changed ?”, in OWENS Erik, CARLSON John et ELSHTAIN Eric, Religion and the Death Penalty, Eerdmans, 2004.

Illustration en couverture : Bernadino Mei, Allégorie de la justice, huile sur toile 1656 (collection privée).


  1. On pourra certainement trouver des réflexions anticipant cette trajectoire tout au long du siècle dernier, comme nous le verrons dans cet article.[]
  2. Sa longueur me donne presque l’envie de l’appeler livre. Elle est consultable en français en intégralité ici.[]
  3. FESER Edward, By Man Shall His Blood Be Shed, San Francisco : Ignatius Press, 2017. Désormais, je mentionnerai ce livre uniquement par son auteur et son titre.[]
  4. Voir, par exemple, cet article.[]
  5. Désormais, je ferai référence à ce livre par son auteur et son titre.[]
  6. ORIGÈNE, homélie sur le Lévitique (homélie 14).[]
  7. EUSÈBE, Vie de Constantin, II, XVIII.[]
  8. GRÉGOIRE de Nazianze, Oratio XVII.[]
  9. FESER, op. cit., Ignatus Press, p. 61.[]
  10. AMBROISE, Lettre à Studius.[]
  11. OPTAT de Milève, Contre les donatistes, traduit en anglais par EDWARDS Mark, Liverpool University Press, 1997, pp. 72-73.[]
  12. Ma traduction depuis l’anglais, tel que cité par Feser dans le livre précédemment indiqué.[]
  13. Toujours selon Feser.[]
  14. BRUGGER, Capital Punishment, p.95[]
  15. THOMAS d’Aquin, ST I-II, 87, 3.[]
  16. THOMAS d’Aquin, ST I-II, 25, 6.[]
  17. FESER, op. cit., chapitre 2.[]
  18. Cité par Feser.[]
  19. Il est couramment appelé Catéchisme du Concile de Trente.[]
  20. Cf. Léon XIII, Pastoralis Officii ; Pie X, Catéchisme de Saint Pie X ; Pie XI, Casti Connubii ; Pie XII dans son discours aux juristes italiens du 5 décembre 1954 dans lequel il exclut de plus que l’aspect rétributif du jugement puisse être contredit par ses effets « curatifs » ou « réhabilitatifs ». Ce pape est probablement celui qui a le plus abordé la question du jugement et de la rétribution et il a très clairement réaffirmé l’enseignement traditionnel dans divers discours.[]
  21. Parallèlement à ces réaffirmations claires de la doctrine traditionnelle, on constate tout au long du siècle précédent une activité de lobbying intense pour que l’Église se prononce contre la peine de mort, voir par exemple le plaidoyer de l’ACAT. Edward Feser recense aussi dans l’ouvrage présenté (chapitre 4) la campagne acharnée des évêques américains contre la peine de mort.[]
  22. Cité par Feser dans son ouvrage, Ratzinger répond ici au père Richard John Neuhaus qui le questionnait sur le rapport entre l’encyclique et l’enseignement du catéchisme.[]
  23. AUGUSTIN, Épître à Marcellin 133, 1 et 2.[]
  24. Selon Feser, six papes exercèrent le pontificat durant cette période : Pie VI, Pie VII, Léon XII, Pie VIII, Grégoire XVI, Pie IX. On trouve une liste des exécutés dans les États pontificaux ici. C’est encore après le concile Vatican II, en 1969, que les États pontificaux abolissent la peine de mort.[]
  25. WELLS Paul, « Que dit la Bible sur la peine de mort ? », paru dans la revue Ichthus, numéro 69, juillet 1977, pp. 2-11 et republié dans le livre En toute occasion, favorable ou non, Aix-en-Provence : Kerygma, 2014, pp. 67-79.[]
  26. KLINE Meredith G., By Oath Consigned, Grand Rapids : Eerdmans, 1968, p. 28, cité par WELLS Paul, dans l’article précédemment indiqué.[]
  27. WELLS Paul, article précédemment indiqué.[]
  28. FRANÇOIS, Discours aux Participants à la Rencontre organisée par le Conseil Pontifical pour la Promotion de la Nouvelle Évangélisation, 11 octobre 2017.[]
  29. JEAN-PAUL II, Lettre encyclique Evangelium vitae, 25 mars 1995, pp. 463-464.[]
  30. FRANÇOIS, Discours à l’occasion du 25e anniversaire du Catéchisme de l’Église catholique, 11 octobre 2017, p. 1196.[]
  31. Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Lettre aux Évêques à propos de la nouvelle formulation du n. 2267 du catéchisme de l’Eglise catholique sur la peine de mort, 1er août 2018 : L´Osservatore Romano, éd. en langue française, 9 août 2018, p. 6-7.[]
  32. FRANÇOIS, Discours à une délégation de l’Association Internationale de Droit Pénal, 23 octobre 2014 : L’Osservatore Romano, éd. en langue française, 30 octobre 2014, p. 8.[]
  33. Conseil Pontifical Justice et Paix, Compendium de la doctrine sociale de l’Église, n. 402.[]
  34. JEAU-PAUL II, Discours à l’Association Nationale Italienne des Magistrats, 31 mars 2000, p. 633.[]
  35. LACTANCE, Institutions divines, VI, XX.] ». Le pape Nicolas Ier exhortait : « Tâchez de délivrer de la peine de mort non seulement les innocents mais aussi tous les coupables[[La lettre peut être consultée en anglais sur ce lien.[]
  36. [[AUGUSTIN, Épître à Marcellin 133, 1 et 2.[]
  37. Discours à une délégation de l’Association Internationale de Droit Pénal, 23 octobre 2014 : L’Osservatore Romano, éd. en langue française, 30 octobre 2014, p. 8.[]
  38. Ibid., p. 8.[]
  39. Ibid.[]
  40. JEAN-PAUL II, Lettre encyclique Evangelium vitae, 25 mars 1995, p. 411.[]
  41. 178 des 288 notes de bas de page renvoient à un autre discours de François, comme le relève cet article.[]
  42. « Ils se fâchent quand les gladiateurs combattent trop longtemps sans se tuer; et, comme s’ils étaient altérés de sang, ils demandent qu’on en amène d’autres qui aient plus de vigueur. » LACTANCE, Institutions divines, VI, XX.[]
  43. « Ainsi la défense que Dieu a faite de tuer ne souffre point d’exception. Que personne ne se persuade qu’il soit permis d’écraser des enfants qui viennent de naître ; c’est une horrible impiété de leur ôter la vie que Dieu leur a donnée. »[]
  44. Cet article livre de précieuses informations sur le contexte de cette réponse. La lettre entière peut-être lue en anglais sur ce lien.[]
  45. Des termes similaires sont utilisés dans Humanae Vitae pour la défense de la vie…[]
  46. Ainsi, cet article nous explique qu’il s’agit d’un développement doctrinal et non d’une contradiction ![]
  47. Certains sont allés jusqu’à nier que l’Église ait jamais défendu la peine de mort, comme cette article qui titre « Une culture de la vie : L’Église n’a jamais défendu la peine de mort« .[]
  48. J’avoue ne pas avoir trouvé ailleurs que sur les réseaux sociaux des personnes défendant cette option pour Fratelli tutti. En revanche, pour le catéchisme, plusieurs l’ont défendue, comme ce prêtre.[]
  49. Lettre au Président de la Commission Internationale contre la peine de mort, 20 mars 2015[]
  50. Discours du pape François aux participants à la rencontre organisée par le conseil pontifical pour la promotion de la nouvelle évangélisation, 2017.[]
  51. Voir, par exemple, cet article qui date d’avant la publication de l’encyclique mais après la modification du catéchisme ou encore cet entretien, qui date de la même période, où l’abolitionnisme est qualifié d’hérésie et où la discontinuité doctrinale est reconnue (voir les 5 premières minutes, en particulier).[]
  52. C’est ce que proposait Edward Feser pour le catéchisme et c’est ce que d’autres proposent pour Fratelli Tutti. A titre de boutade, j’aime appeler cette position Sola Ex Cathedra.[]
  53. Notons que Trent s’attend à ce que le magistère précise ce que signifie cette modification du catéchisme, et qu’ainsi à la lumière de la précision qu’a apporté Fratelli Tutti, la position qu’il défend n’est plus tenable parce que (1) la précision ne va pas dans son sens et (2) elle est désormais affirmée dans une encyclique, comme Evangelium Vitae qu’il considérait comme autoritaire parce qu’il s’agit d’une encyclique ![]
  54. Si elle était encore partiellement défendable pour le catéchisme, elle est clairement illusoire pour Fratelli Tutti.[]
  55. C’est encore une stratégie utilisée par ceux qui militent en faveur de l’ordination des femmes ou de la reconnaissance des droits des LGBT+ au mariage notamment.[]
  56. Trent Horn, que nous avons cité plus haut, considère d’ailleurs Evangelium Vitae, qui est une encyclique et qui, selon lui, enseigne que la peine de mort est légitime, comme infaillible. Voir vers 6 minutes 40 de cette vidéo.[]
  57. « Il est vrai encore que les théologiens doivent toujours remonter aux sources de la révélation divine […] », Humani generis.[]
  58. Cette compréhension ne manque pas d’évoquer la théorie du développement du cardinal Manning : « Les réformateurs accusaient les doctrines catholiques de ne pas être primitives, et leur prétention était de revenir à l’Antiquité. Mais l’appel à l’Antiquité est à la fois une trahison et une hérésie. C’est une trahison parce qu’il rejette la voix divine de l’Église à cette heure, et une hérésie parce qu’il nie que cette voix soit divine. Comment pouvons-nous savoir ce qu’était l’antiquité si ce n’est par l’Église ? Aucun individu, aucun groupe d’individus ne peut remonter à mille huit cents ans pour atteindre les doctrines de l’Antiquité… Je peux dire en toute vérité que l’Église n’a pas d’Antiquité. Elle repose sur sa propre conscience surnaturelle et perpétuelle. » Il s’agit de ma traduction, voici l’original : It was the charge of the Reformers that the Catholic doctrines were not primitive, and their pretension was to revert to antiquity. But the appeal to antiquity is both a treason and a heresy. It is a treason because it rejects the Divine voice of the Church at this hour, and a heresy because it denies that voice to be Divine. How can we know what antiquity was except through the Church ? No individual, no number of individuals can go back through eighteen hundred years to reach the doctrines of antiquity… I may say in strict truth that the Church has no antiquity. It rests upon its own supernatural and perpetual consciousness.[]
  59. Pie XII semble aussi désavouer la troisième solution en affirmant que les textes actuels doivent interpréter les anciens et non l’inverse. Les progressistes pourraient même l’invoquer pour défendre la première solution.[]
  60. FESER Edward, op. cit., p. 65, ma traduction.[]
  61. Ainsi, en 2017, on pouvait lire des articles nous expliquer que la position traditionnelle était « définitive ».[]
  62. Alors que Feser tente de démontrer que Jean-Paul II ne dit rien qui soit contraire à la tradition sur le sujet de la peine de mort mais qu’il a simplement une emphase particulière et circonstancielle, il ne s’aventure pas à proposer la même chose pour François. Écrivant après la modification du catéchisme (août 2018) mais avant la publication de Fratelli tutti, il écrit sur son blog que l’enseignement du catéchisme qui soutient désormais que la peine de mort est inadmissible, non seulement sur le plan circonstanciel mais sur le plan doctrinal est « une erreur doctrinale pure et simple ».[]
  63. Comme on peut s’en convaincre en lisant les journaux catholiques populaires comme La Croix sur ce sujet.[]
  64. Il ne s’agit pas d’une expérience de pensée, on trouve déjà des articles intitulés « Une culture de la vie : L’Église n’a jamais défendu la peine de mort » ![]
  65. Ainsi, des cardinaux, dont Farell, des évêques (l’archevêque de Chicago, l’archevêque de Brisbane, l’évêque du Limbourg, l’évêque de Besson, l’évêque d’Anvers, les évêques belges dans leur ensemble) et plus de 410 prêtres sont déterminés à continuer à bénir ces unions.[]
  66. Je pense au père jésuite James Martin.[]
  67. Parmi les jésuites, notamment, les Jesuits of Canada and United States (représentant 2 000 prêtres), le Jesuit School Network, le Jesuit Volunteers Corps, le Jesuit Volunteers Corps Northwest et le Ignatian Volunteers Corps ont tous signé la déclaration pro-LGBT de la Tyler Clementi Foundation.[]

Maxime Georgel

Maxime est interne en médecine générale à Lille. Fondateur du site Parlafoi.fr, il se passionne pour la théologie systématique, l'histoire du dogme et la philosophie réaliste. Il affirme être marié à la meilleure épouse du monde. Ils vivent ensemble sur Lille avec leurs trois enfants, sont membres de l'Église de la Trinité (trinitelille.fr) et sont moniteurs de la méthode Billings.

4 Commentaires

  1. Pepscafe

    Bonjour Maxime,

    Vaste sujet, en effet, que celui de la peine de mort.

    Il est intéressant de noter l’exemple du roi David (non retenu dans l’article), dont nous parle 2 Samuel 11. Il y est question de ce roi adultère et meurtrier. qui déclarera plus tard, après avoir entendu la parabole de Nathan (au sujet de la brebis du pauvre et du riche) que “L’homme qui a fait cela est digne de mort”….jusqu’à ce qu’il s’entende dire par le prophète que « cet homme, c’est (lui) ! »
    Et quand Dieu lui découvre ses fautes, David les confesse et se repent (2 Samuel 12. 13). Dieu lui promet alors “Tu ne mourras pas” [quoiqu’il paiera bien « le quadruple »] et David, adultère et meurtrier, ne subira pas la peine de mort pour son crime.

    Il est ainsi toujours facile et confortable de parler de la peine de mort sur un plan théologique, revendiquant de manière distanciée et théorique la position « dure » comme étant « la plus pure », jusqu’à ce que l’on se trouve face à la réalité et au problème éthique impliquant suivant : je suis juge et je dois juger le cas d’un meurtrier. Or, mon fils est justement le meurtrier. L’enjeu est la peine de mort du déclaré coupable. Continuerais-je à revendiquer froidement une « position chrétienne » dite « historique » sur ce « sujet de théologie morale et politique » ?

    Sinon, vu l’angle de cet article [démontrer en quoi la position officielle actuelle de l’Église – « depuis 2018, au moins » et jugée « moderniste » – s’écarterait de « l’enseignement chrétien historique » sur la peine de mort], il est bon de se souvenir que pour un doigt pointé vers autrui, 4 autres sont dirigés vers soi, et que la finalité de la correction fraternelle [s’il est réellement question de péché ici] reste la restauration des relations brisées (entre Dieu et nous, nous et nos frères) via le pardon que l’on donne mais aussi que l’on reçoit.
    Alors oui, ne craignons donc pas de reconnaître et de dire les ruptures,(quand c’est le cas avec Dieu) soit de reconnaître et de dire notre propre péché et celui des autres, pour vivre sur un fondement de vérité. Mais à la condition de le dire avec amour. Et certainement pas en mode « donneur de leçon »/ »investi d’une mission spéciale »[en vertu de quelle légitimité ?], pour traquer et condamner (en se réjouissant, non pas de ce qu’un pécheur se repente, mais de la moindre « erreur/horreur progressiste rampante » démasquée, quoiqu’on dise). Ou pire encore, pour cautionner une option politique non avouée et cachée, se drapant sous l’argumentation théologique.

    De là aussi mon propre questionnement sur les objectifs réels de ton article pro-peine de mort, ainsi que sur les objectifs réels de cet « observatoire » du Catholicisme » et de ce projet d’examen des conclusions du Synode sur la Famille quant aux divorcés, des recommandations pastorales d’Amoris lætitia [sur l’amour dans la famille], de la vision écologique de Laudato si’ et d’autres thèmes majeurs du pontificat de François [tu as oublié « Evangelii gaudium », sa première lettre d’exhortation apostolique datant de 2013].
    Sinon, il est aussi question, dans ton article, des “vrais catholiques” [qui seraient les « conservateurs » : Burke, Sarah, Vigano…?], lesquels formeraient « un groupe de plus en plus isolé au sein du catholicisme contemporain » [influencé par un « dangereux Pape socialiste » ?].
    On tombe dans l’accusation de « cancel culture », dont on ferait bien d’explorer la pertinence et les limites d’un tel concept pour ne pas tomber dans le piège de l' »esprit de victime », nourri par la posture en mode repli identitaire de ceux qui se croient « seuls ». Et là, l’orgueil spirituel n’est jamais loin (cf le prophète Elie en 1 Rois 19), d’autant plus que l’on ne reconnaît pas « un vrai chrétien » parce qu’il porterait une étiquette [celle de l’appartenance à un groupe politico-religieux] autre que celle que Dieu a posée sur lui

    Sinon, sur la peine de mort, à noter ce qu’en pensait Thomas More, dans « l’Utopia », au XVIe siècle :
    https://www.opinion-internationale.com/2011/05/03/anthologie-de-l%E2%80%99abolition-de-la-peine-de-mort-texte-2-thomas-more-l%E2%80%99utopie-ou-le-traite-de-la-nouvelle-forme-de-gouvernement_1060.html

    Et voir aussi l’intéressant « Autour de la peine de mort : quel héritage chrétien ? » d’Alberto Bondolfi Dans Revue d’éthique et de théologie morale 2007/3 (n°245), pages 9 à 31 cf https://www.cairn.info/revue-d-ethique-et-de-theologie-morale-2007-3-page-9.htm

    L’auteur souligne notamment qu’« après les années 1960, les Églises ont pris de l’avance concernant ce problème [de la peine de mort]. Des Églises protestantes d’une part, et différents épiscopats catholiques d’autre part, ont essayé, soit par des arguments juridico-politiques, soit par des considérations éthiques et théologiques, de rendre toujours plus illégitime la moralité de cette sanction.
    Une sorte de point d’arrêt dans cette discussion a été la publication de la première édition du Catéchisme de l’Église catholique, qui soutenait une position quant à ce problème qui nous occupe, mais qui ne satisfaisait pas à cause de l’ambiguïté de l’argumentation. D’une part, le texte du Catéchisme ne voulait pas refuser aux États, en théorie, le droit d’appliquer cette sanction extrême, mais en même temps il n’en souhaitait pas l’application. La faiblesse de l’argument invoqué par la première édition du Catéchisme était due au voisinage de la doctrine de la « légitime défense » avec l’institution juridique de la peine de mort. Cette dernière, si l’on y prête attention, est non pas une action privée de la part d’un citoyen menacé dans sa survie et qui répond légitimement à la force par la force, ne pouvant pas l’éviter par des moyens moins violents, mais bel et bien une institution juridique prononcée au terme d’un procès. La personne censée coupable n’est plus en mesure de menacer directement la vie des autres êtres humains, et donc, l’argument de la « légitime défense » ne peut s’appliquer. À la suite de différentes critiques émises contre cette version du Catéchisme (1992), l’édition de 1997, qui a suivi la publication de l’Encyclique Donum vitæ de Jean-Paul II, a un peu amélioré l’argumentation en faisant de la peine de mort une sorte d’exception pratiquement inexistante : L’enseignement traditionnel de l’Église n’exclut pas, quand l’identité et la responsabilité du coupable sont pleinement vérifiées, le recours à la peine de mort, si celle-ci est l’unique moyen praticable pour protéger efficacement de l’injuste agresseur la vie d’êtres humains. Cette parole ne peut pas être considérée comme une sorte de « point final » de la position du magistère catholique dans ce domaine. On ne peut qu’espérer une parole plus claire, même si elle devait contredire une tradition centenaire, qu’on peut bien expliquer, même au moment où on la dépasse de façon radicale ». C’est ainsi que l’on peut peut-être comprendre la position actuelle, qui ne saurait se réduire à l’étiquette « moderniste ». Ou alors cet article sur « l’étude de l’économie sous un angle chrétien » (que j’ai beaucoup apprécié) est lui aussi « moderniste » (https://phileosophiablog.wordpress.com/2019/09/06/comment-etudier-leconomie-sous-un-angle-chretien/ ).

    Et Alberto Bondolfi de souligner enfin l’importance, de son point de vue, « de soumettre à une critique radicale l’éthique politique cachée derrière les résistances à l’abolition de la peine de mort. Cette éthique politique tend à donner à l’État, sinon des attributs divins, du moins des compétences illimitées, et cela souvent au nom d’une prétendue volonté de Dieu ». Dans le cadre d’une telle discussion à l’intérieur des communautés chrétiennes, il lui paraît capital de souligner l’argument christologique contre la peine de mort développé essentiellement par Karl Barth :
    « Après la mort du Christ, il n’y a plus besoin d’aucune expiation ou de dimension rédemptrice d’une peine, car les œuvres expiatrices des hommes n’ajoutent rien à l’œuvre expiatrice et rédemptrice du Fils de Dieu. Vouloir, par le truchement de l’argument expiatoire, trouver encore une fonction positive à la peine de mort signifie non seulement se tromper dans l’analyse sociale des phénomènes, non seulement faire une erreur d’ordre philosophico-juridique, mais bel et bien encore soutenir une opinion théologiquement blasphématoire ».

    L’enjeu est donc de taille. Et particulièrement vital.

    En te remerciant pour ta lecture attentive et pour ton retour à ce sujet.

    Fraternellement en Jésus-Christ Notre Seigneur,
    Pep’s

    Réponse
    • Etienne Omnès

      Bonjour Pep’s! Merci pour cette belle réponse, si attentionnée.

      Maxime te répondra sur les points essentiels (bien qu’ayant étudié moi aussi le sujet, je ne saurais être son interprète). Je réponds cependant quant à l’intention de l’article. Heureux es-tu d’ignorer cette catégorie de gens, mais nous connaissons pas mal de catholiques romains qui font une apologétique assez vigoureuse de l’église catholique version Concile de Trente pour nous faire rejoindre l’Église du concile de Vatican II. Or, comme l’atteste la page sur le modernisme catholique, nous trouvons que cette démarche est profondément malhonnête, parce qu’ils accusent les églises protestantes de tous les maux comme si leur Eglise y échappait. Or c’est faux, d’où l’observatoire du modernisme catholique.

      De même ils affirment que nous sommes soumis à notre raison individuelle, et que sans le magistère, il n’y a aucune boussole doctrinale, on dérive aux quatre vents. C’est cet bravade là que Maxime analyse et dénonce dans cet article.

      L’objectif donc n’est pas de nous grandir nous-même (nous savons très bien que « réformé »= libéral très souvent). Ni de nous acheter une vertu, mais de nous défendre contre une calomnie en documentant la rupture qui soi disant n’existe pas dans le Magistère.

      Réponse
      • Pepscafe

        Cher Etienne,

        c’est avec joie ! Et merci à toi pour ta réponse.

        « Heureux es-tu d’ignorer cette catégorie de gens » : sans doute, puisque tu me le dis. Le sage ne dit-il pas : « qui augmente son savoir augmente sa douleur » (Eccl.1v18) ?
        « Mais nous connaissons pas mal de catholiques romains qui font une apologétique assez vigoureuse de l’église catholique version Concile de Trente pour nous faire rejoindre l’Église du concile de Vatican II ».
        Tant mieux pour eux. Il y a toujours eu des zélés zélotes. Reste à savoir si c’est là « le bon combat ». Un Saul de Tarse devenu Paul pourrait nous en dire long là-dessus.

        « Or, comme l’atteste la page sur le modernisme catholique, nous trouvons que cette démarche est profondément malhonnête, parce qu’ils accusent les églises protestantes de tous les maux comme si leur Eglise y échappait. Or c’est faux, d’où l’observatoire du modernisme catholique ».
        Et bien entendu, ledit observatoire ne tombera pas dans ce travers, lui, en traquant les « modernistes catholiques » (pour les vouer au bûcher ?)……

        « De même ils affirment que nous sommes soumis à notre raison individuelle, et que sans le magistère, il n’y a aucune boussole doctrinale, on dérive aux quatre vents ». Rien de nouveau sous le soleil. L’important me parait de ne pas chercher à remplacer ce magistère par un autre magistère non avoué, comme de ne pas boire l’eau de la Parole avec le filtre d’Aristote et autres philosophes grecs antiques.

        « L’objectif (….) nous défendre contre une calomnie en documentant la rupture qui soi disant n’existe pas dans le Magistère ». C’est pour cela que le salut viendrait d’un rapprochement avec les « tradis », voire « nationaux-tradis » ? (cf les sources d’infos relayées sur votre page)
        Sinon, le Seigneur Jésus-Christ a-t-il érigé un tel « observatoire » contre ceux qui l’ont calomnié ? Le recommande-t-il ?
        Le temps est court.

        Dans l’attente d’une réponse de Maxime à mes remarques sur la peine de mort (après tout, c’est le sujet !)

        Bien fraternellement et à bientôt,
        Pep’s

        Réponse
        • Maxime

          Ton commentaire souffre du problème important qu’il caricature la position traditionnelle : le magistrat a le droit de mettre à mort, ça ne signifie pas qu’il doive le faire. Citer des exemples où il ne le fait pas tape donc à côté puisque ces exemples manifestent qu’il en a le droit.

          Réponse

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